Théo. – J’ai compris qu’une pratique correcte de la méditation, du nettoyage et de la prière aboutissait automatiquement au souvenir constant, mais aussi que je pouvais directement commencer par le souvenir constant, que c’était la voie la plus rapide, la plus directe.
L’Ancien. – La plus simple, mais pas forcément la plus facile.
Théo. – Tu m’as dit qu’il fallait maintenir le canal ouvert entre le cœur et l’Ultime. N’as-tu pas des « trucs » pour y arriver ?
L’Ancien. – Ce que tu appelles des « trucs » sont des moyens yogiques qui sont donnés au fur et à mesure à l’aspirant.
Théo. – Que proposes-tu au débutant ?
L’Ancien. – Avant tout, il faudra que l’aspirant soit connecté à la source d’énergie par trois méditations, au minimum. Il y aura deux forces en présence : celle de l’aspirant et surtout celle de la Source qui, une fois ouverte et connectée à son cœur, va pouvoir l’aider.
Théo. – De quelle manière ?
L’Ancien. – Cela dépend de la réelle demande de l’aspirant et de sa maturité humaine et spirituelle. Au début, le courant est ténu et sporadique. Puis le flot va augmenter jusqu’à l’infini.
Théo. – C’est là qu’intervient le guide ?
L’Ancien. – Il nettoie le canal de ce qui l’obstrue et nous ralentit, voire même nous entrave. Il faut libérer la Source et son canal pour qu’elle puisse nous alimenter spirituellement.
Théo. – Je vois maintenant la prière comme une feuille de route qui nous donne la direction, le moyen d’atteindre le But, mais c’est surtout un contacteur, un connecteur au Centre. C’est en faisant la pratique que je m’en suis rendu compte. C’est éblouissant.
L’Ancien. – Tout cela aide la pratique du raja-yoga. C’est un processus de transformation et de d’élévation.
Théo. – En t’entendant, je vois la « lenteur » du processus.
L’Ancien. – Il dépend aussi de ta maturité et de ta volonté d’avancer.
Théo. – Nous sommes à l’ère de la physique quantique où l’on plie l’espace, où l’on crée des trous de ver pour passer d’un univers à l’autre. Je suis convaincu que tu connais des équivalents dans le Sahaj Marg.
L’Ancien. – En quelque sorte, je l’ai déjà exprimé plusieurs fois quand je t’ai parlé du symbole ésotérique. Il y a le chemin de l’âme (yatra) qui passe par les treize points ou chakras, au travers de trois régions (cœur et deux étoiles) ou bien, tu vises directement le centre du cœur, le centre de la première étoile puis de la deuxième pour enfin plonger dans le centre représenté par le point lumineux.
Théo. – Comment y arriver ?
L’Ancien. – Il faut créer un vide absolu au centre de son cœur et plonger en vitesse-lumière, puis superluminique … puis il n’y a plus de mots.
Théo. – Comment est-ce faisable ?
L’Ancien. – A ma connaissance c’est impossible si l’on est seul, mais qui sait ?
Théo. – En quoi est-ce si difficile ?
L’Ancien. – Peu d’êtres humains sont capables de fixer le Centre sur quatre niveaux en même temps et de s’y maintenir.
Théo. – Combien de temps ?
L’Ancien. – Nous parlons physique quantique. Les repères sont différents.
Théo. – Le Cœur et la région du cœur sont dans le temps. La région cosmique est dans le temps cosmique et la région centrale est hors du temps !
L’Ancien. – Tu vois le paradoxe et la difficulté apparaît.
Théo. – Quel est le paradoxe ?
L’Ancien. – Le temps et le non- temps.
Théo. – Mais alors, comment procéder ?
L’Ancien. – Abolir la notion de temps pour en être libéré. Si tu mets une composante temporelle dans ton équation, tu es assujetti au temps.
Théo : Alors ?
L’Ancien. – Il faut partir de la dimension du non-temps et pas du hors-temps car elle serait encore en relation avec le temps. L’atman est de même nature que le Dieu absolu (Nirguna). Tu les laisses fusionner par le Centre.
Théo. – Cela crée un mouvement ?
L’Ancien. – Il y a alors de l’énergie qui fait apparaître un mouvement et le mouvement est alors dans le temps et l’opération échoue.
Théo. – Quelle est la solution ?
L’Ancien. – Plonger directement dans le Centre. Je dirais un Centre puissance zéro et le laisser revenir vers la surface de ton cœur
Théo. – Si le Centre est Dieu, alors c’est Dieu qui fait l’opération. N’est-il pas le but de notre quête ?
L’Ancien. – Tu as tout compris. C’est Dieu qui cherche et trouve Dieu en nous par notre cœur, dans notre cœur.
Théo, interloqué :
– Que faisons-nous alors ?
L’Ancien. – Rien ou presque. Dans un premier temps nous ouvrons notre cœur et dans un deuxième temps nous le Lui offrons humblement.
Théo. – Et que fait-il ?
L’Ancien. – Il répond avec un amour … infini.
Théo. – Et c’est sur l’infini que nous surfons, de Lui jusqu’à Lui … Pas mal !
Tout cela c’est l’idéal, mais comme le dit ma petite nièce, Camélia : « Comment est-ce dans la vraie vie ? »
L’Ancien. – Cela demande de la préparation, beaucoup de préparation pour que la magie opère en un instant. Comme disait Lalaji : « Il suffit de tourner sa tête de là à là et c’est fait. »
Théo. – Atcha !
Comment arriver rapidement et dans l’état adéquat pour que Dieu puisse opérer ?
L’Ancien. – Nous en avons déjà parlé de nombreuses fois : par la négation (voir article). La négation nous permet d’accéder à l’essence de l’essence de toutes choses.
Théo. – Et l’Essence de l’essence, c’est Dieu.
Peux-tu me rafraîchir la mémoire ?
L’Ancien. – Prenons l’Amour.
Pense à quelqu’un que tu aimes très fort.Sens cet amour.
Fais-le tien.
Laisse-le envahir tout ton espace intérieur, toutes tes cellules, toutes tes particules … Silence.
Efface cet amour … Silence.
Sens la vibration subtile qui reste … Silence.
Efface cette vibration … Silence.
C’est l’essence de l’Amour
Efface cette essence … Silence.
C’est l’Essence de l’essence … Silence.
C’est Dieu ou presque…
– C’est étonnant, murmure Théo, il ne reste plus rien et pourtant je perçois comme une présence extrêmement subtile. La difficulté est de conserver cette condition purement divine … L’extérieur m’en distrait rapidement. Comment faire pour conserver cet état mystérieux ?
L’Ancien. – C’est comme un parfum sublime, difficile de le retenir …
Théo. – As-tu une idée ?
L’Ancien. – C’est le secret du maître spirituel. Quand tu as trouvé ta place dans son cœur et qu’il t’y a accepté, le Maître te transporte en lui, jusqu’à destination.
Théo. – Comme une mère portant son enfant ? J’ai lu qu’il suffisait de rester sept mois dans la matrice mentale du Maître pour naître dans le monde lumineux comme Entité Spirituelle.
L’Ancien. – Le problème est que nous sommes plutôt comme un bébé kangourou et que, par curiosité, nous sortons souvent, trop souvent, de la poche de notre mère pour aller explorer le monde et que nous avons du mal à nous maintenir sept mois dans la matrice mentale de notre Maître. Sa matrice nous prend dans le temps tels que nous sommes et nous fait voyager au-delà du temps, dans l’éternité.
Théo. – Pour cela, le Maître se doit d’être réalisé.
L’Ancien. – Il doit avoir accompli le voyage. Son cœur est totalement abandonné à l’Ultime. Son cœur est devenu la résidence de Dieu sur Terre et il nous y accueille.
Théo. – Et c’est à ce moment-là que nous allons nous transformer, nous diviniser ?
L’Ancien. – Nous sommes au centre, tout en étant pleinement dans notre incarnation sur Terre.
Théo. – Encore un paradoxe : nous sommes à la fois dans le temps et hors du temps.
L’Ancien. – Ce processus permet la divinisation de l’être, mais aussi de l’environnement dans lequel il vit. C’est pour cela que Babuji nous encourageait à ne maintenir qu’un seul canal et à ne pas créer d’autres canaux qui draineraient l’énergie et la force du canal principal.
Théo. – Quand tu me donnes toutes ces explications, je comprends mieux pourquoi les aspirants prennent la voie normale du yatra (chemin spirituel). Elle est peut-être un peu plus longue, mais elle paraît plus rassurante !
L’Ancien sourit :
– C’est aussi une sorte de physique quantique. Celle que je viens de te décrire est simplement d’ordre supérieur. C’est comme si tu passais par un trou noir pour te rendre dans une autre dimension, alors que la première partie du yatra se situe dans l’espace et le temps, mais le déplacement normal devrait prendre pour un yogi de haut niveau près de trois mille ans pour atteindre la région cosmique. Propulsé grâce à pranahuti (énergie yogique), grâce à la puissance de son esprit et de sa volonté, cela ne lui prendra que quelques années. Une fois dans la région cosmique, cela rassemblera plus à un voyage interstellaire vers de lointaines constellations connues, ensuite …
– Tu es très rassurant ! l’interrompt Théo. Tu donnes toutes ces explications à tous les aspirants ? Je commence à comprendre pourquoi tu en as si peu qui veulent faire le voyage.
L’Ancien. – Il y a peu de temps l’homme se déplaçait à cheval. Aujourd’hui tu ne t’étonnes pas de rouler à trois cents à l’heure dans un TGV ou d’aller au bout du monde en quelques heures d’avion. L’esprit de l’être humain s’adapte à tout. Il a déjà imaginé des voyages spatio-temporels par des portails pour se déplacer d’une galaxie à l’autre … qui sait si cela sera possible un jour ? Tout ce que l’homme invente est déjà inscrit en lui. Il suffit d’attendre qu’il soit un peu plus éveillé.
Théo. – Quelles sont les conditions à remplir pour pouvoir voyager dans le courant divin sans limitation, cela paraît tellement attrayant !
L’Ancien. – Lalaji a répondu dans le livre Vérité éternelle : « La propreté de l’âme d’un être humain est proportionnelle à son pouvoir de discrimination (viveka). »
Théo. – Peux-tu m’éclairer un peu plus ?
L’Ancien. – Babuji dans son autobiographie donne une réponse en disant que la clef du caractère est ce fameux discernement.
Théo. – Et que discerne-t-il ?
L’Ancien. – Il se focalise essentiellement sur le lien qui unit ton cœur à celui de ton Maître, sans discontinuer. C’est une occupation à plein temps.
Théo. – Cela me paraît impossible !
L’Ancien. – C’est la raison pour laquelle Babuji a offert le Sahaj Marg à l’humanité pour rendre le chemin plus accessible. Il n’est pas nécessaire de tout comprendre.
Théo. – Cela m’intéresse, plus encore, me passionne, donne-moi un exemple simple.
L’Ancien. – Le passage du point 1 au point 2, celui de l’atman, commence par une mise en mouvement de l’âme en direction du point 2. Le voyage peut se faire plus ou moins tranquillement à dos de chameau dans un magnifique désert aride. La caravane prendra des années. Depuis peu, les Maîtres ont ouvert une autoroute entre les deux points. Elle a été doublée d’une ligne à grande vitesse. Du temps de Chariji, cela prenait quelques jours de travail intense pour amener un futur précepteur au point de l’âme.
Théo. – C’est ça l’avion dont tu me parles !
L’Ancien. – Aujourd’hui, le même travail peut se faire par bond quantique. Le trajet se fait instantanément, de plus en plus facilement.
Théo. – Est-ce que les aspirants se maintiennent à ce point ?
L’Ancien. – Malheureusement non, nous appelons ce déplacement « une approche ». La personne retourne à ce qu’elle connaît.
Théo. – C’est-à-dire ?
L’Ancien. – Le point 1, celui de la Terre, de l’attraction et de la répulsion, de la dualité, celui des plaisirs et des souffrances.
Théo. – Même si c’est bon d’être dans cette dimension de paix et d’amour donnée par la Présence dans le chakra de l’atman (point 2) ?
L’Ancien. – A ce moment là certains prennent peur et ils s’arrêtent juste avant d’y pénétrer définitivement.
Théo. – Que se passe-t-il alors ?
L’Ancien. – Aux deux tiers du yatra entre le point 1 et le point 2, il y a un garde-frontière : c’est l’ego de l’aspirant. Il a peur de perdre la maîtrise de la situation, de son monde connu. Il exhorte l’âme à retourner en arrière, à arrêter tous ces choses perturbantes et à revenir à une « vie normale », habituelle, dont il a eu la maîtrise jusqu’ici.
Théo. – J’ai du mal à comprendre qu’on puisse renoncer à cette nouvelle dimension d’Amour !
L’Ancien. – Aucune âme ne le veut, bien sûr, mais la peur de l’inconnu, du mystère peut effrayer le pratiquant. C’est la raison pour laquelle nous lui enseignons notre pratique du raja-yoga. Par le nettoyage graduel, son âme individuelle s’épure. Son guide lui ouvre la voie intérieure en dégageant en douceur devant lui tous les obstacles qui se trouvent sur son chemin.
Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune