Dans ce sloka extrait de la Bhagavad Gita, Livre XII, 13-19, le Seigneur Krishna expose les qualités qui mènent son bhakta (dévot ou pratiquant) bien-aimé à la perfection.
A travers le commentaire de ce magnifique sloka Théophile l’Ancien nous offre quelques clés sur le chemin de la perfection et de l’Amour.

Adorez le Seigneur

Adorez-Le, par l’amour, par la connaissance ou par le renoncement

« Celui qui ne hait personne, qui est l’ami de tous,
qui est charitable envers tous, qui ne possède rien,
qui est dégagé de l’égoïsme,
dont l’esprit reste égal dans la souffrance et dans le plaisir,
qui est indulgent, qui est toujours satisfait,
qui travaille toujours en Yoga,
dont le moi est maîtrisé, dont la volonté est ferme,
dont l’esprit et l’intellect Me sont consacrés,
celui-là est mon bhakta bien-aimé.

« Celui qui ne cause aucun trouble, qui ne peut être troublé par autrui,
libre de toute joie, crainte ou anxiété.
Celui-là est mon bhakta bien-aimé.

« Celui qui n’est dans la dépendance de rien, qui est pur et actif,
qui ne se préoccupe pas de savoir si le résultat sera bon ou mauvais,
qui n’est jamais malheureux, qui a renoncé à tout effort pour soi-même,
qui reste le même sous les blâmes et les louanges,
avec l’esprit silencieux, pensif, béni du peu qui se trouve être son lot,
sans foyer, car le monde entier est son foyer,
et qui reste stable dans ses idées,
celui-là est mon bhakta bien aimé. »

 Bhagavad Gita, Livre XII, 13-19

Lorsque l’on considère ce que vient d’exprimer le Seigneur du point de vue de la personnalité et de l’ego qui, plein de bonne volonté veut réaliser ce que le Seigneur propose en maîtrisant tous les aspects… c’est affolant ! Cela paraît insurmontable, impossible à réaliser. C’est la perfection inatteignable…

Pourquoi ? Parce que ce n’est pas abordé à partir de l’Unité que représente le Seigneur en soi pour le bhakta ; l’Unité représente le Soi pour jnana (la connaissance) et comment agir sans agir pour le karma-yogi, même pour le dévot actif qui veut faire parfaitement ses pratiques comme prescrit, être dans le service… Il y a toujours quelque chose qui n’aboutit pas et l’on se fustige, déprime : « Jamais je n’y arriverai ! » Il en est de même pour le mental, il y a toujours quelque chose qui nous échappe, ne serait-ce que la « pensée singe », la conscience de soi au lieu de Soi, un intellect limité, un ego qui s’échappe régulièrement et qui échappe à tout contrôle. Quant à l’action, ce n’est jamais assez ou beaucoup trop ; et comment ne pas se soucier du résultat, un tout petit peu, des conséquences que cela peut avoir, sur les autres, sur la société.

Pour celui qui veut pratiquer le raja-yoga, cela paraît encore pire car il doit maîtriser les trois Yogas en même temps.

Le Sahaj Marg : la voie directe

Le Sahaj Marg a trouvé la solution, qui combine en un seul, les trois Yogas : c’est le raja-yoga. Il nous connecte directement et réellement au Seigneur via le cœur, le Maître. Nous recevons pranahuti dès l’introduction, le samskara de la peur originelle est enlevé tout de suite, permettant de libérer l’amour du Seigneur en nous. Cela permet de garder le cap en permanence, d’être connecté à Son amour, Sa volonté. En même temps, pendant cette divine connexion, il y a le processus de purification graduelle de l’être qui s’opère par le nettoyage. La première étape est la région du cœur et ses cinq éléments, qui libère notre âme de l’esclavage des désirs et de leurs chaînes pour trouver la dimension de la joie, de la paix générée par l’amour du Seigneur que nous pouvons enfin recevoir librement en permanence.

Par la méditation, notre mental s’équilibre et connaît la joie de la modération et de la clarté d’esprit : la lucidité. Chit-lake (point 7) a été purifié et directement mis en contact avec l’âme. Dans un premier temps, cela nous donne accès à l’intuition et nous recevons de plus en plus de révélations. Lorsque réellement nous nous établissons dans le brahmanda-mandal, nous sommes enfin dans le royaume béni du Seigneur. Nos tendances sont plus lointaines, moins actives, et lorsqu’elles le sont, nous nous en rendons compte. Il y a une distance aimante qui s’opère.

Vient alors le dernier élément à aborder : ahamkara, notre ego. Ayant déjà libéré l’âme de son emprisonnement de la région du cœur, il a bénéficié grandement de cette libération opérée par le Seigneur. Nous avons à présent un ego puissant certes, mais heureux de sa connexion, de son intimité avec le Seigneur. Pourquoi plus puissant ? Parce que la libération de l’âme a donné un libre accès à La volonté. L’enjeu demeure entre ma volonté et celle du Seigneur, mais un corps subtil, un esprit équilibré nous donne un accès libre à la supraconscience et notre intellect acquiert une sagesse nouvelle. Notre ego a envie de se soumettre au Seigneur plus par amour que par raison. Il sait que c’est pour le bien, le meilleur de l’être. Il le veut vraiment. Mais notre ego a ses crises récurrentes de paludisme. Il faut dire qu’il est resté fort longtemps dans des zones contaminées. C’est un mal endémique dont souffre toute l’humanité qui l’entoure ou presque. Il est fortement sollicité, surtout lorsqu’il détourne un moment son attention du Seigneur. C’est quasiment un réflexe.

progression vers la liberté

Progression vers la liberté.

Vient alors cette longue période que Babuji a illustré par les onze cercles de l’ego (Schéma : Progression vers la liberté.)  avant d’arriver réellement à l’union avec le Seigneur (le 11 est un chiffre premier qui représente la puissance. Il est composé de 1 et 1 qui donne 2, la dualité de l’être incarné. Jusqu’au moment ou 1+1 fera 1, puis 1+1 fera 0.) Il y a probablement des combats homériques dignes du Mahabharatha avec l’ego. C’est là où nous sommes infiniment bénis du soutien et de l’accompagnement de nos Maîtres au nom du Seigneur. « Gare à droite, gare à gauche, baisse-toi ! Fais le mort ! Avance rapidement ! Prends ma main ! Saute dans mes bras ! » Quand nous sommes KO, Il nous porte dans ses bras. Nous avons conscience de notre incapacité à aller plus avant. Nous ne faisons plus que nous en remettre à Lui et à son amour. Les jnanis appellent cela la soumission, un acte ultime d’humilité. Je dirais plutôt qu’il n’y a pas mieux que d’être porté par le Seigneur, submergé par Son Amour avec la sensation d’être choyé, câliné, même lorsque nous semblons passer par la pire période de notre vie, qu’apparemment tout va mal. C’est ce que dit notre entourage. Et vous, vous ne changeriez pour rien au monde la situation qui vous a mené au Seigneur. Vous remerciez, vous rendez grâce. La même situation peut aussi arriver lorsque tout va très bien à tous niveaux et qu’en rendant grâce au Seigneur, vous lui laissez la place presque par inadvertance, innocemment. Alors Il prend toute la place, tout l’espace que vous Lui avez laissé et vous vous en rendez compte, vous êtes le Seigneur ou presque, mais qui s’en soucie puisque la moindre parcelle du Seigneur vous rend déjà aux anges. L’ego exulte. Il est tout amour, toute humilité. Il coopère avec le Seigneur sans le savoir vraiment. Il baigne dans la félicité.

Alors imaginez ce que produit la pleine présence du Seigneur quand une parcelle infime au fond de notre cœur peut produire un tel effet. Je vous en souhaite à tous la permanence éternelle. 

A suivre…

Théophile l’Ancien
Extrait de Les Cahiers de Théophile
Commentaires de la Bhagavad Gita