Qu’est-ce qu’un dévot ? Quel est son état spirituel, sa relation au Divin, aux autres ?
Théophile nous dévoile la transformation et la perception de celui qui s’est totalement abandonné et a réalisé Dieu en lui-même.

« L’être qui a réalisé Dieu
n’est pas seulement dépourvu de haine envers tous les êtres humains,
mais il fait aussi preuve d’amitié
et il est naturellement pourvu de compassion.

Il est débarrassé du moi, du mien.

Son esprit est égal dans la souffrance et le plaisir.

Il est dans le contentement quoiqu’il arrive.

Il est indulgent, patient et mentalement uni à Moi,
dont le mental, les sens et le corps sont maîtrisés
et dont la volonté est ferme et déterminée.

Celui-ci est Mien, il m’est cher. »

Bhagavad Gita, Livre XII, 13-14

On voit ici le haut degré de vertu de celui qui a réalisé Dieu. Il aime Dieu, tout comme il s’aime lui-même ou l’autre, le tout est identique.

Il est en Yoga identifié à Dieu, semblable à Lui et non à son corps, ses sens ou son mental qu’il maîtrise. En fait, ils sont subjugués par l’Esprit. Cet état d’Union à Dieu augure aussi d’une grande volonté accompagnée d’amour et de compassion. Il est tellement absorbé en Dieu qu’il n’est plus sujet à l’attraction et l’aversion. Il ne distingue plus peine et plaisir, joie et souffrance. Il est unifié. Le cœur pur du dévot est illuminé. Il est sage, il n’aime ni ne rejette. Il est égal à lui-même, équanime. Il est dépourvu de peur et pardonne volontiers. Il manifeste dans sa vie Dieu et il est content, heureux en toutes circonstances. Il est en paix et se sent en sécurité quoiqu’il entreprenne, où qu’il soit. La peur s’est effacée face à l’amour qui prodigue tout, autour de lui, tel un soleil radieux.

S’il survient une difficulté, un malheur, il accepte immédiatement. Il loue même le Seigneur de la grâce qui lui est faite. S’il lui est fait un affront, il ne le reconnaît pas comme tel et a tendance à rendre grâce, voyant la main du Seigneur où d’autres verraient une calamité. Il fait plus que pardonner les torts qui lui sont fait, il les voit à peine.

Voilà ce qu’atteint un dévot par la pratique de la dévotion. Grâce à la perception de Dieu en toute chose, en tout être, il est dans un contentement inaltérable. D’aucuns diraient qu’il pardonne, mais qu’y a-t-il à pardonner dans ce cas ?

Il est libre de toute possession car il possède le monde entier. Rien ne lui appartient en propre, tout lui appartient en Dieu. Il est devenu Son héritier.

Il est l’instrument parfaitement affûté. Sa volonté paraît absolue. Bien sûr, c’est celle de Dieu qui s’exerce au cœur de sa personne. On peut comprendre alors qu’il baigne dans la douce félicité. Les mots « contentement » et « satisfaction » paraissent faibles lorsqu’il s’agit d’un dévot bien-aimé du Seigneur.

Les désirs ? Quels désirs… Le monde lui appartient puisqu’il appartient au Seigneur. Il est Sien et Il est sien. Plus rien ne saurait le distinguer du Seigneur, alors le désir n’a plus de prise sur lui. Pourquoi se limiterait-il à désirer quelque chose ou quelqu’un en particulier alors qu’il possède tout ce qui existe dans cette création ? Il n’y a pas matière à désirer. Son plus grand désir a été réalisé, c’est son Seigneur et Maître.

Sa véritable nature est lumineuse. Il en va également de son intellect, devenu pur et illuminé. Les hommes l’appelleraient « sagesse ». Est-ce être sage que de voir tout naturellement Dieu partout et en tout ?

Il est en permanence absorbé dans la Présence de Dieu. Il a déjà tout donné à Dieu avec bonheur. Il a reçu tout Dieu en retour.

Les hommes diraient que cet être aime exclusivement Dieu. Est-ce vrai, quand en réalité il voit Dieu partout et en chacun ? A quoi a-t-il renoncé si ce n’est qu’il a renoncé à lui-même et qu’il a reçu tout le Seigneur en retour. Sa conscience est en Dieu, elle est divine. Il est dit qu’un tel être est établi en Dieu, en tous cas Dieu est établi en lui. Il y demeure à jamais. Un tel être est appelé un dévot. Ce que l’on sait, c’est qu’il est cher au Seigneur, qui se voit Lui-même en lui. Il n’est plus sa créature, il est le Seigneur Lui-même.

D’aucun dirait qu’il est égocentrique. Que fait alors l’ego quand il est centré sur l’infini amour de Dieu qui est rien, qui est tout ? Si l’ego existe encore, il est subjugué par l’amour de Dieu et tous ses attributs sont en harmonie avec la nature, sa nature. Ce sont les épousailles de Purusha avec Prakriti. Sa nature humaine, elle aussi, est subjuguée, d’aucun dirait qu’elle est soumise. Peut-on parler de soumission quand il y a amour ? Même le mot abandon semble bien faible lorsqu’il y a fusion avec le Bien-aimé qui n’est rien d’autre que la Source même de l’amour infini, éternel, omniprésent.

Le dévot est naturellement humble car tout ce qu’il a reçu et tout ce qu’il recevra, provient du Seigneur Lui-même. En est-il conscient ? Pas sûr, car il a la pureté innocente qui fait de lui un humble ou un puissant sans qu’il le sache lui-même puisque telle est la volonté du Seigneur. Il s’est totalement oublié et retrouvé dans le Seigneur. Certains parlent d’union, d’autres de fusion. Que lui importe, il est avec le Seigneur, pour le Seigneur. Qu’est-ce que le Seigneur, déjà ? Certains diraient Dieu, l’ami de toute chose. Ils le disent. C’est probablement vrai, mais le Seigneur, c’est bien autre chose car… c’est le Seigneur. Il est à la fois l’Absolu et le relatif, relativement absolu. Il rit volontiers de la situation. Aurait-il le sens de l’humour ? C’est humain… En tout cas, il est spirituel, nom de Dieu ! Blasphème ? Encore un mot qui tend à éloigner Dieu du créé en l’isolant dans l’incréé. Créé, incréé… encore une vision des hommes. C’est qu’il est les deux, ou bien autre chose, au-delà, au-dedans. Sentez-vous ce que cela veut dire ?

« Le dévot illuminé qui n’est qu’amour exclusif pour Dieu
est établi de manière inébranlable en Lui.

Il n’en est jamais déconnecté.

Son esprit Lui est dédié. Dieu est sa vie, sa richesse, sa respiration vitale.

Il se considère comme une marionnette dans ses mains.

Il est déclaré comme très cher au Seigneur. »

Théophile l’Ancien
Extrait de Les Cahiers de Théophile
Commentaires de la Bhagavad Gita