Théo. – La dernière fois nous avons parlé du Yoga de Patanjali, peux-tu m’en dire plus ?

103 huit étapes yoga

Les huit étapes du yoga.

L’Ancien. – Les huit étapes décrites par Patanjali doivent être considérées comme un tout, comme l’est l’individu, indivisible. Le Yoga travaille sur les trois corps et les cinq enveloppes, tous au service de l’âme (atman). Le travail consiste à les purifier et les affiner. Dans la méditation nous utilisons le mental (manas), dans l’espace du cœur, pour faire la transition et l’intégration entre le plan matériel et le plan spirituel. Nous l’utilisons pour pénétrer dans la dimension du Soi.

Théo. – Pourquoi toutes ces étapes dans la tradition du Yoga ? A quoi correspondent-elles ?

L’Ancien. – Tous les aspects sont pratiques : les asanas et la respiration servent à maintenir le corps en état de fonctionnement optimal car l’ascèse du yogi est éprouvante tant physiquement que psychiquement. Il se doit d’être fort et déterminé. Postures (asanas), respiration (pranayama), abstinences (yama) et observances (nyama) ont pour objectif de purifier le corps et l’esprit, en purifiant les canaux d’énergie. Ce nettoyage et cette illumination permettent à la force pranique de circuler, d’activer la conscience et d’atteindre l’équilibre et l’éveil.

Théo. – Tu veux dire que ces simples exercices peuvent éveiller la conscience ?

L’Ancien. – Tout à fait et aussi de développer des capacités intellectuelles et psychiques.
Mais reprenons: La purification mentale, utile pour le développement de la conscience, concerne d’abord les abstinences (yama). Elles sont abordées de manière positive :
1). non violence : ahimsa,
2). dire la vérité : satya,
3). non vol : ashteya,
4). célibat : brahmacharya,
5). non avidité : aparigraha.

Théo. – Il y a une connotation morale dans ces abstinences (yama).

L’Ancien. – Peut-être, mais un individu qui ment, vole ou blesse physiquement, mentalement ou spirituellement, perd son unité et se fragmente. Quand tu dis la vérité tu es dans un état non-duel et Babuji dit que tu es en connexion directe avec le Centre.

Théo. – Pourquoi le célibat ?

L’Ancien. – Dans le Sahaj Marg, nous prônons la vie de famille, l’équilibre en tout. Babuji disait que la famille est le meilleur endroit pour évoluer. Il permet de développer l’amour et le sacrifice. En réalité le célibat correspond, pour le yogi, au contrôle de ses sens, de tous ses organes, dont le contrôle des organes génitaux. Le contrôle de la sexualité représente la plus grande difficulté.

Théo. – Qu’en est-il des observances (nyama) ?

L’Ancien. – Nyama a aussi cinq branches et chacune d’entre elles est pratiquée au niveau mental, verbal et physique, en lien avec nos trois corps :
1) la pureté : shaucha,
2) le contentement : santasha,
3) les austérités : tapas,
4) l’étude des textes sacrés : svadhyana,
5) la consécration à Dieu : Ishvar-pranidhana.

Théo. – Prenons l’exemple de la pureté, comment procéder ?

L’Ancien. – Le corps est purifié par l’eau. Le mental est purifié par la vérité et l’âme par la connaissance et les austérités.

Théo. – Et le contentement ?

L’Ancien. – Le contentement est considéré comme la plus importante des observances. Cela consiste à apprécier et remercier pour tout ce que l’on reçoit par la vie.

Théo. – Cela revient à ne plus avoir de désirs, d’envies, de frustrations.

L’Ancien. – C’est le but recherché. Les austérités quant à elles, permettent de se purifier mais aussi de développer certains pouvoirs. Cela peut être nécessaire chez un yogi qui chemine seul, sans aucune aide. Il peut en avoir besoin pour progresser sur la voie de la réalisation. Au Sahaj Marg, cependant, c’est le guide spirituel qui aide l’aspirant à passer chaque étape le moment venu. Pour cela, il utilise la transmission yogique, pranahuti, et le nettoyage des impressions ou complexités (samskaras). En fait les pouvoirs sont très lourds à porter et il y a toujours le risque que notre ego s’en empare. Comme le disait Chariji : « Voyageons léger, nul besoin de porter des pouvoirs. Ce dont nous avons besoin vient toujours à point nommé. »

Théo. – Donne-moi des exemples d’austérités.

L’Ancien. – L’austérité mentale (baudhika tapas), signifie l’équilibrage des tendances contraires. Elle engendre la quiétude, l’équanimité, le silence mental et le contrôle des inclinations non équilibrées. Le résultat produit la purification du chakra du cœur (anahata ).

Théo. – Et son pouvoir, ne serait-il pas l’Amour ?

L’Ancien sourit et ajoute :
– Ce pouvoir-là peut être permanent: il n’a que des avantages.

Théo. – Je trouve dans niyama et yama beaucoup de contrainte et d’ascétisme. Cela me dérange un peu. Il semble qu’on ne puisse atteindre le discernement sans avoir auparavant pratiqué le renoncement.

L’Ancien. – Le Sahaj Marg commence directement par la septième étape, la méditation. Le discernement (viveka) et le renoncement (vairagya) s’installent naturellement en soi car notre esprit est alors uniquement tourné vers la Réalité. En fait il n’y a pas de renoncement mais du détachement.

Théo. – Qu’entends-tu exactement par détachement ?

L’Ancien. – Tu n’as aucun mal à te détacher des jouets de ton enfance aussi merveilleux qu’ils aient été. Quand ton esprit est tourné vers la Réalité, les enfantillages n’ont plus prise sur toi.

Théo. – Je t’ai entendu parler de non attachement, qu’en est-il ?

L’Ancien. – C’est l’étape d’après. Dans le non attachement, nous sommes dans la vie de tous les jours parmi les nôtres. Nous faisons tout comme eux, sans attachement, avec plaisir même car l’amour prévaut. J’aime regarder le DVD de la Fée Clochette avec ma petite-fille de quatre ans par exemple.

Théo. – Et tu es non attaché à la Fée Clochette!

L’Ancien. – Qui sait ?

Il reprend plus sérieusement :
– Pour Babuji, l’étape ultime est celle du « non-attachement-attachement ».

Théo. – Si nous revenons à la pratique actuelle du yoga, que cherchent les pratiquants ? Le Divin, l’Absolu, le Soi ?

L’Ancien. – Qu’importe le nom que l’homme lui donne, il y a un Absolu, une Source primordiale au centre de nous-même, au centre de tout ce qui existe. Il est souvent appelé Dieu, mais selon Babuji, Il n’a ni nom, ni forme, ni attribut. Les être humains, pour mieux se repérer, lui ont donné un nom, des noms, des attributs et ils ont commencé à se chamailler à ce sujet. Ce qui est sûr c’est que le Divin ne peut se comprendre, mais plutôt s’expérimenter en soi. C’est le Yoga. L’expérience est unique et pourtant beaucoup la partagent avec amour.
Méditons veux-tu ?

C’est l’aube. C’est un moment entre nuit et jour. La nature est en parfait équilibre.
Assieds toi en lotus (padmasan).Ton corps est immobile tel une montagne. Tout est immobile en toi (tam) … Silence
La lumière grise de l’aube pénètre toutes tes particules… Silence
Pénètre ton esprit… Silence
Ton corps est totalement détendu… Silence
Ton esprit plonge dans l’espace sacré de ton cœur… Silence dans le Silence
Tu es aspiré par le centre de la première étoile (pindesh, région de la manifestation).
Tu passes comme l’éclair par le centre de la deuxième étoile (brahmanda-mandal, région cosmique) … Silence dans le Silence

Symbole-ésotérique

Le symbole ésotérique.

Ton âme fusionne avec la Source de lumière divine (point lumineux du symbole) … Silence dans le Silence
Maintiens ta conscience (chit) en éveil et observe.
Remonte tout doucement par paliers, par dimensions, en gardant le lien avec la Source Divine.
Observe ton espace intérieur … Silence … Sat, Chit, Ananda (Existence, Conscience, Félicité) …
Chaque particule est divinisée … Silence
Et rayonne tout autour de toi … Silence
C’est tout.
OM … Shanti, Shanti, Shanti.

Théo. – C’est une méditation différente ? Habituellement, tu me dis de commencer. Je m’absorbe dans le cœur aidé par la transmission et à la fin, tu dis « C’est tout. »

L’Ancien. – C’était une méditation d’exploration, faite pour que ta conscience (chit) puisse pleinement participer et soit vigilante au niveau des trois dimensions de ton être.

Théo. – Pourquoi m’as-tu demandé de conserver la conscience du Centre lors de ma remontée ?

L’Ancien. – Pour te donner un avant goût du sahaj-samadhi.

Théo. – Comment définis-tu cet état ?

L’Ancien : Le samadhi est une « entase », c’est-à-dire une entrée en soi, opposée à « extase ».

Théo. – Et que se passe-t-il durant un samadhi ?

L’Ancien. – Babuji parle de trois niveaux de samadhi.
Le premier samadhi correspond au sommeil profond. Il y a alors une suspension des perceptions, des sensations et des émotions. Le yogi est inconscient. Il ne se rend compte de son état spirituel qu’en sortant de méditation.
Le deuxième samadhi correspond à la conscience dans l’inconscience. Le yogi est tellement absorbé que rien d’autre n’existe. Il n’est pas conscient de ses actes, mais il fait ce qu’il faut.

Théo. – Une autre manière pour subjuguer l’ego. Là c’est sûr, il ne peut se créer d’impressions.

L’Ancien. – Mais ce n’est qu’une étape sur le chemin de la réalisation. Le dernier samadhi, est le sahaj-samadhi. Il est le plus élevé. C’est un samadhi naturel auquel le méditant parvient sans effort. Babuji dit que l’être subconscient médite constamment sur Dieu alors que son conscient est présent à son environnement. Dans le sahaj-samadhi (entase naturelle), tu es à la fois immergé dans la grande profondeur et totalement présent à la vie, au quotidien, aux autres. Babuji et Chariji donnaient l’impression d’avoir leur œil gauche tourné vers l’intérieur, vers leur cœur, et le droit tourné vers l’extérieur. C’est l’état spirituel le plus élevé qu’un être humain puisse atteindre.

Théo. – Pour moi c’était plutôt fulgurant ce sahaj-samadhi ! Cela m’a semblé facile à atteindre.

L’Ancien. – Nous dirons plutôt que cela était une approche. Les Maîtres, eux, y sont en permanence.

Théo, malicieux :
– C’est une mise en appétit ?

L’Ancien reste silencieux, impassible, seul son œil droit s’illumine.

Théo. – Pourquoi finir avec le « OM » ?

L’Ancien. – Nous étudions le Yoga. Babuji le disait souvent à la place de « C’est tout. » Souvent les méditants coupent trop vite avec leur état intérieur quand ils entendent « C’est tout. », alors qu’il faudrait le laisser se prolonger, encore mieux, le développer.

Théo. – Il est vrai qu’avec le « OM Shanti », cela donne envie de continuer même lorsque l’on ouvre les yeux.

L’Ancien. – Le OM est le son du Verbe premier et shanti veut dire paix. C’est une bénédiction qui pénètre au plus profond de l’être.

Théo. – J’aimerais aussi revenir sur le discernement (viveka) et le renoncement (vairagya).

L’Ancien. – L’attention est tournée vers l’Eternel. L’installation du discernement (viveka) se fait automatiquement grâce à la purification de tout notre système, de l’ego et de ses tendances. Le mental est ajusté, au repos. Alors, les pensées divines, les intuitions et les révélations surviennent.

Les cinq points du cœur

Les points du cœur.

Théo. – Cela correspond-il au nettoyage du point 3 ?

L’Ancien. – Oui, celui du feu et son illumination (première étoile), mais pas seulement. Chaque élément est purifié et régénéré. Le chakra de la terre lié au désir est de moins en moins dans le jeu des attractions et des répulsions. La libération du point B (voir schéma Les sous-points du point 1) permet la venue de l’inspiration divine, la sphère de l’illusion (maya) (point 5) est moins active, les peurs n’ont plus prise, (chakra de l’eau, point 4) et surtout l’amour et la dévotion (atma-chakra, point 2) peuvent s’en donner à cœur joie. C’est l’ensemble de ces facteurs qui amène le non-attachement et une vision directe de la Réalité : viveka.

103-sous-points du point 1

Les sous-points du point 1.

Théo. – N’est-ce pas l’accès naturel à la région cosmique (brahmanda-mandal) ?

L’Ancien. – Effectivement, le guide spirituel n’a plus qu’à donner une poussée pour que son disciple passe dans cette sphère.

Théo. – C’est à ce moment que surgit l’ego (ahankar) et les luttes homériques que décrivent tous les ouvrages spirituels ?

L’Ancien. – Là encore, le Sahaj Marg a ses spécificités: le raja-yogi passe directement du point 5 au point 7 (Chit Lake, lieu d’origine de la pensée). Il a déjà été intensément nettoyé par le guide spirituel. C’est lui qui a amené le silence intérieur et la paix dans la région du cœur (pindesh).

Théo. – Pourquoi n’agissons-nous pas sur l’ajna-chakra (point 6) ?

L’Ancien. – C’est le chakra cosmique de l’océan d’énergie mais aussi de l’ego. Le Maître spirituel l’ouvrira lorsqu’il n’y aura plus de danger pour le disciple, lorsque les onze cercles de l’ego auront été traversés.

Théo. – Est-cela l’union avec Dieu dont parlent toutes les mystiques ?

progression vers la liberté

Progression vers la liberté.

L’Ancien. – Oui, mais en Yoga nous l’appelons la Réalisation du Soi. Le Soi et Dieu sont identiques. C’est une étape importante pour le chercheur de Vérité (Satpad). Par la grâce de son Maître, il va entrer dans la région para cosmique (para-Brahmand) puis la région centrale, mais ça, c’est une autre histoire.

Théo. – Elle m’intéresse.

L’Ancien. – L’Absolu déterminé (Saguna Brahma) a été franchi.

Théo. – C’est ce que nous appelons Dieu ?

L’Ancien. – Saguna Brahma, Ishwara est l’Existence Suprême. C’est une existence sans forme. C’est l’omniprésent, l’omniscient, la cause efficiente de l’Univers. Vient ensuite Nirguna Brahma : l’Absolu indéterminé ou encore Para Brahma, la base absolue qui n’a ni qualité, ni conscience, ni activité. Babuji grâce à sa capacité de lecture (anubhava-shakti) a pu décrire la suite jusqu’au Centre, la Base, le Zéro …

Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune