Transmission et résonance
Théo. – Nous avons longuement parlé du travail en résonance et je me disais que cela pourrait être utilisé par les précepteurs pour la lecture de condition.
L’Ancien. – C’est vrai, mais il y a deux façons de procéder. La première utilise la transmission yogique (pranahuti) : avant de commencer le nettoyage du corps subtil, tu transmets avec l’idée que la condition de l’aspirant t’apparaît.
Théo. – Comment puis-je la percevoir ?
L’Ancien. – Grâce à la transmission tu peux voir avec l’œil du cœur ou l’œil intérieur situé au niveau d’ajna-chakra.
Théo : Sinon ?
L’Ancien. – La deuxième façon utilise le phénomène de résonance que tu viens d’évoquer : dans ce mode de lecture, tu laisses la vibration du méditant faire écho en toi. Tu la perçois en toi.
Théo. – La perception en résonance demande d’être totalement effacé pour ne pas interférer avec sa propre condition spirituelle…
L’Ancien. – … et que l’observateur intérieur soit présent et vigilant. C’est pour cela que le Maître nous exhorte à nous préparer avant de donner un sitting.
Théo. – En faisant notre cleaning ?
L’Ancien. – Oui, mais aussi en étant dans un état méditatif pour réguler le mental. Dans l’idéal, le mental doit être totalement tourné vers le Maître intérieur avant le sitting, puis vers le cœur ou le Maître intérieur du méditant, pendant le sitting.
Théo. – Nous passons du Maître dans notre cœur au Maître dans le cœur du méditant. Et la transmission ?
L’Ancien. – Elle n’est pas nécessaire dans le processus par résonance puisque tu es « devenu » l’aspirant et que tu perçois en toi ce qu’il est.
Théo. – C’est du haut vol ! N’y a-t-il pas le risque de se projeter, de se confondre avec la condition spirituelle de l’aspirant ?
L’Ancien. – C’est une erreur possible, mais il n’y a aucun danger pour l’aspirant puisque le travail effectué consiste à soixante-dix pour cent de cleaning préparatoire, méticuleux, multi-niveaux et trente pour cent de transmission qui provient uniquement du Maître.
Théo. – Cela veut dire que notre évaluation peut être fausse et le travail bien fait ?
L’Ancien. – Quoi qu’il en soit, il faudra nettoyer avec volonté et amour le cœur et sa région et ne t’arrêter…
Théo. – … que lorsque tout est devenu léger et lumineux !
L’Ancien. – A ce moment, la transmission commencera d’elle-même. Elle provient du grand intégrateur et diffuseur qu’est notre cœur placé sous l’égide du Maître intérieur.
Théo. – : Et lorsque notre cœur est devenu celui du Maître, celui du Seigneur ?
L’Ancien. – Alors le travail se fait par résonance divine ou spirituelle. Nous sommes là sans être là. Parfois le Seigneur nous laisse être le témoin de son travail sur l’âme (jivatman) et ses corps subtils. D’autres fois nous n’y sommes pas conviés, mais à la fin du sitting, nous en percevons les effets.
Théo. – Et toi, quelle voie privilégies-tu ?
L’Ancien. – Pour le travail, je préfère la résonance, avec le plus haut, quand cela est possible et permis par le Seigneur. Pour la lecture, je préfère la lecture directe.
Théo. – Est-ce que la transmission t’aide ?
L’Ancien réfléchit :
– Oui et non. Je laisse résonner les chakras du méditant et là où le travail apparaît nécessaire, il démarre automatiquement. Si j’ai besoin d’une mise en lumière plus précise, j’émets la pensée que la transmission éclaire ce qu’il est nécessaire pour moi de percevoir et me permette de savoir ce qui reste d’ombre, de densité ou de complexités.
Théo. – Je sens dans ta lecture beaucoup de réserve et de précautions, je dirais presque d’humilité.
L’Ancien. – J’ai appris de mon guide spirituel, que le travail devait se faire avec beaucoup de douceur. Il ne peut être intrusif. L’état de résonance demande que tu traites l’autre comme toi-même.
– Avec vigueur alors, plaisante Théo.
L’Ancien. – On peut aussi être gentil avec soi-même et surtout face à son Maître intérieur. Là, nous sommes dans l’acceptation et la grâce.
Théo. – C’est la vraie fraternité envers l’autre et soi-même. Cela me rappelle le « tu aimeras ton prochain comme toi-même… » des Evangiles
L’Ancien. – « L’autre » est un miroir de ce que nous sommes.
Théo. – Alors nous sommes le miroir de Dieu et le miroir du frère ou de la sœur qui croise notre route.
L’Ancien. – Dieu se reflète en lui-même que ce soit en nous ou dans l’autre.
Théo. – Je comprends l’importance de notre propre condition spirituelle.
L’Ancien. – C’est la raison pour laquelle nos Maîtres insistent beaucoup sur la pratique personnelle du précepteur. En fait, elle doit s’intensifier pour que la condition spirituelle devienne rapidement divine.
Théo. – Et si rien de tout ce que nous avons dit n’arrive ? Si je ne perçois rien ? Que dois-je faire ?
L’Ancien. – D’abord tu te détends, et avec confiance et application tu nettoies le cœur. Quand tu as la sensation que c’est fini et qu’il te reste du temps, tu suggères d’aller plus en profondeur.
Théo. – Sur les trois niveaux du cœur comme dans le symbole ésotérique ?
L’Ancien acquiesce et poursuit :
– Ou tu laisses ton intention aller dans une partie plus dense de la région du cœur. Ton attention sera attirée comme un aimant.
Théo. – C’est aussi un phénomène de résonance. ?
L’Ancien. – Oui, car il n’y a pas de volonté première. Tu te laisses porter par ton intention.
Théo. – Ce sera cela l’observateur ou le maître intérieur. ?
L’Ancien. – Qu’importe ! D’une manière ou d’une autre, il faudra nettoyer le cœur le plus précisément possible afin que puisse débuter la transmission et sa merveille.
Théo. – Je peux utiliser les techniques de nettoyage, comme celle des membres, que m’a apprises Daaji ?
L’Ancien. – Utilise tout ce qui est en ton pouvoir pour le bien du méditant assis en face de toi. L’efficacité du travail se mesurera à l’aulne de la Présence, de ton retrait et de l’intensité de l’aspiration des méditants.
Théo. – Comme le dit la Bhagavad Gita : « Le fruit de mon travail ne m’appartient pas, il appartient au Seigneur. »
L’Ancien. – A part ton travail, rien ne t’appartient. Même cela t’a été confié par le Maître.
Théo. – Donc, un bon précepteur ne décide pas de son travail. Il doit tendre vers l’action sans action (akarma) et travailler avec amour (vikarma).
L’Ancien. – Tu te souviens que dans la « non action » (akarma), le travail et l’énergie deviennent infinis. Il en est de même pour le travail en résonance.
Théo veut être sûr de comprendre :
– Ce processus déclenche la transmission, pranahuti, l’énergie infinie, et c’est l’action infinie du Maître qui agit au travers du limité que je suis.
L’Ancien. – Quand notre cœur devient celui du Maître, le travail spirituel se fait par l’amour. Tout devient alors possible…
Théo. – L’abandon au Maître intérieur est tout ce qu’il nous faut dans ce processus spirituel.
– L’abandon par Amour, précise l’Ancien. Ensuite, naturellement, l’Amour du Maître est à l’œuvre. Il agit en douceur, graduellement et avec beaucoup d’humilité.
Théo. – Soit j’agis comme un yogi technicien et le résultat est ce qu’il est, soit je laisse la place au Maître, à l’Infini… Le choix est vite fait.
L’Ancien. – Mais la mise en œuvre peut prendre du temps.
Théo reste silencieux et songeur.
Subtilité et interprétation
Théo. – Tu as évoqué une lecture qui se fait par l’œil frontal que tu nommes œil de Dieu ou œil du cœur ; j’aimerais en savoir plus.
L’Ancien. – Ce n’est pas si simple. Babuji disait que même pour lui, la lecture de la « position » spirituelle du méditant prenait du temps. Il recommençait plusieurs fois avant d’être sûr.
Théo. – A cause des reflets entre les points ? Je me souviens d’un travail sur le point 3 avec un écho sur le point 8.
L’Ancien. – Cela, c’est la lecture de la condition. C’est un jaillissement, non mental. Tu es « intuitivement » attiré par le point 3, celui du feu, pour le nettoyer. C’est comme lorsqu’un enfant a fait une bêtise. Il y a un silence inhabituel qui attire ton attention et tu sais qu’il se passe quelque chose.
Théo. – L’aspirant s’inquiète souvent car il croit que nous allons découvrir les secrets les plus intimes.
L’Ancien. – Il nous faut le rassurer, il n’en est rien. Le travail de nettoyage s’opère juste sur l’ombre qui disparaît face à la lumière. Tout reprend sa juste place, sa place originelle, quand le travail s’achève.
Lorsque nous méditons avec un précepteur, nous le faisons volontairement, ainsi, nous nous ouvrons, nous nous exposons, tout en entrant en contact avec notre âme (atman) par le cœur. La lecture est ainsi facilitée.
Théo. – Et s’il y a un blocage qui nécessite un travail spécifique ?
L’Ancien. – C’est là que l’œil du cœur intervient. C’est une métaphore. Cela pourrait aussi bien être l’oreille du cœur (claire vision et claire audience). L’intuition entre en action. Tu ne veux rien savoir. Tu exposes juste l’aspirant au Maître et si c’est nécessaire, une idée, une intuition jaillit et tu sais quoi faire, tu pressens quel sankalpa utiliser. Tu peux très bien ne pas connaître la raison, l’événement à l’origine du blocage spirituel, mais la cause sera nettoyée, le nœud dissout.
Théo. – Est-il parfois nécessaire que je sache ?
L’Ancien. – Rarement. Mais même dans ce cas, il ne s’agit aucunement d’une volonté personnelle ou d’une enquête. L’innocence accompagnée de l’amour et de la spontanéité prévaut. Tu oublies tout, presque instantanément. Une fois le travail accompli, le sankalpa sera si subtil que ton mental ne l’aura pas enregistré.
Théo. – Oui, j’ai déjà remarqué cet effacement quasi immédiat. Parfois même c’est le méditant qui me rappelle ce que j’ai perçu quand il évoque son propre ressenti.
L’Ancien. – L’information est captée par l’intellect (buddhi) et la conscience (chit), juste pour que le Maître puisse œuvrer à travers toi. Ce n’est jamais pour ta satisfaction personnelle, encore moins pour ta curiosité. Nous devons être très respectueux de l’intimité de l’aspirant et du caractère sacré du travail du Maître.
Théo. – Est-ce que je dois dire quelque chose ?
L’Ancien. – Le Maître nous conseille plutôt d’écouter. La parole prononcée résout rarement une problématique spirituelle. La parole non verbale est beaucoup plus efficace et ne commet aucune erreur.
Théo. – Quand elle est subtile !
L’Ancien. – En aucun cas bavardages, ou jugement, mais plutôt une parole silencieuse qui jaillit de notre cœur vers celui du méditant. Pourquoi en connaîtrions-nous le contenu s’il provient du mental universel ?
Théo. – C’est comme si je lisais un SMS qui ne m’est pas destiné personnellement.
L’Ancien. – En revanche celui qui l’a reçu peut t’en faire part, te le faire lire. D’où l’écoute plus que la parole. A ce moment, tes corps subtils et causal entrent en action : ton mental (manas) sait et tu peux dire verbalement ce que tu sais.
Théo. – Avec prudence et réserve, je suppose ?
L’Ancien. – Toute vérité n’est pas toujours bonne à dire. Le non verbal sera toujours une meilleure option. L’expression verbale s’avère souvent délicate et sujette à interprétation, tant du précepteur que du méditant d’ailleurs.
Théo. – Comment procédait Babuji en lecture directe ?
L’Ancien. – Il transmettait puis se concentrait. Il visionnait sur un écran face à ses yeux et son front et il lisait.
Théo. – Là il ne s’agit plus d’attention, mais de concentration.
L’Ancien. – La transmission amplifie et fait apparaître, et la concentration permet la révélation, disait Babuji. Il employait le mot « révélation » qui montre qu’il ne s’agit pas d’un processus mental.
Théo. – C’est pour cela que sa lecture se faisait par ajna-chakra, premier point de la région cosmique. Mais qu’en est-il de « l’œil du cœur » ?
L’Ancien. – Dans la résonance, l’abandon, l’oubli de soi, est total. C’est ce que j’appelle « l’œil du cœur ». Dans la claire vision ou la claire audience, la volonté intervient – il s’agit de l’utilisation d’un pouvoir.
Théo. – Et tu es réticent avec les pouvoirs n’est-ce pas ?
L’Ancien. – Tant que la région du cœur et les onze cercles de l’ego n’ont pas été franchis, oui.
Théo. – Tu veux dire que tant que la Réalisation du Soi (point 10) et que l’union complète avec Dieu ne s’est pas encore établie, tu préférerais que je m’abstienne ?
L’Ancien. – Quand l’Union est faite, alors nous sommes sûrs que c’est le Maître qui est aux commandes.
Théo. – Et il peut faire ce qui lui chante !
L’Ancien, amusé :
– C’est un chant céleste… celui des anges en adoration devant Dieu …
Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune