Théo continue d’approfondir la notion de résonance que lui a fait découvrir l’Ancien lors de précédents entretiens.

Théo. – Quel avantage trouves-tu à la méthode de résonance ?

L’Ancien. – La résonance, au plus haut niveau, est une résonance divine. Le cœur du cœur de l’aspirant est connecté à celui du cœur du cœur du précepteur. C’est une résonance d’essence à essence, pourrait-on dire. Mais si tu veux aller plus loin, efface cette essence divine : tu es dans l’Ultime, la réalité du Centre.

Théo. – Tu fais une distinction entre résonance divine et résonance spirituelle ?

L’Ancien. – C’est pour une meilleure compréhension, ainsi le mental ne s’égare pas. Le corps subtil, lui, est totalement tourné vers les profondeurs du cœur, sans distraction.

Théo. – Subtile distinction…

L’Ancien. – C’est la même qui existe entre réalisation de Dieu et fusion avec Dieu. Les deux sont de grandes bénédictions. La résonance spirituelle se fait avec la dimension vibratoire émise par l’union avec Dieu (Saguna), tandis que la résonance divine se fait avec l’Absolu (Nirguna). Dans les deux approches, le précepteur doit totalement s’effacer face au Divin et être pleinement présent au méditant.

Théo. – Cela paraît bien difficile. C’est la forme la plus élevée de samadhi que tu proposes : le sahaj-samadhi.

L’Ancien. – Ce n’est pas si compliqué. Dans la première partie de la méditation, par le travail actif que tu as réalisé, le lien de cœur à cœur a été solidement établi entre le méditant et toi. Au moment de la résonance, tu ne coupes surtout pas le lien établi et tu plonges en Dieu, qu’il soit Nirguna ou Saguna. Ce n’est plus toi qui décides de quoi que ce soit. C’est Lui ou « Ça » qui œuvre. Ta volonté s’efface face à la sienne.

Théo. – C’est un état d’abandon.

L’Ancien. – Et comme nous le faisons par le cœur…

Théo. – … c’est l’Amour qui prévaut

L’Ancien. – … et prépare le champ de la manifestation du Seigneur, en résonance.

Théo. – Que se passe-t-il à ce moment-là ?

L’Ancien. – Franchement je l’ignore. Cela reste mystérieux pour moi. Il me suffit de voir le résultat, le changement de condition chez les méditants pour valider les bienfaits mystérieux de la résonance divine et spirituelle.

Théo. – Je suis quand même étonné que tu ne saches pas en quoi consiste cette résonance !

L’Ancien. – Je ne le sais pas ! Comment pourrait-on savoir ce qu’est Dieu, qui n’a ni nom, ni attributs ? Même l’Amour qui m’est si cher en est absent.

Théo. – Tu m’as pourtant dit : aimer, c’est connaître.

L’Ancien. – Aimer m’a permis d’aborder l’inconnaissable, d’y plonger et de me perdre aux abords de la région centrale, mais le Centre est un voyage immobile, un voyage d’éternité.

Théo. – Y a-t-il un son qui lui corresponde ?

L’Ancien. – Pas à ma connaissance… C’est une « non-dimension » que l’on approche par une sorte de périphérie indicible, mais qui vit en Soi.

Théo. – Donc en tant que précepteur, on constate simplement les bienfaits mystérieux de la résonance. 

L’Ancien. – Ce qui se passe entre l’aspirant et Dieu ne nous regarde pas. Nous facilitons le processus, faisons parfois les présentations, mais le reste est de l’ordre de l’intime et du sacré, entre l’amoureux et son Bien-Aimé.

Théo. – Mais beaucoup d’aspirants ne cherchent pas cela, la plupart du temps ils cherchent seulement le bien-être et l’équilibre ou le moyen de trouver un peu de calme dans leur vie trépidante.

L’Ancien. – C’est sans compter sur leur âme qui, elle, sait et cherche subtilement à les guider vers la réalité de l’existence humaine.

Théo. – Tout comme Dieu, elle doit avoir tout son temps.

L’Ancien. – Pas vraiment, elle a hâte de retrouver le Bien-Aimé …

Théo. – Et en pratique, comment procèdes-tu avec la personne qui médite en face de toi pour obtenir cette résonance ?

L’Ancien. – Je sais que ce fameux centre existe en elle. J’évoque la résonance en moi, je me souviens et reconnais son existence. Elle est aussi présente en l’autre, au sein même de chacune de ses particules. Sans le centre, rien n’existerait. En fait je procède par retraits successifs.

Théo. – C’est-à-dire ?

L’Ancien. – Quand je crois connaître quelque chose en moi, une fois que je l’ai bien perçu, je l’efface et ce qu’il reste de cet effacement, je l’efface encore, autant de fois que c’est nécessaire jusqu’à ce fameux vide que Babuji a appelé la Rienté (Nothingness).

Théo. – Et la Présence alors ?

L’Ancien. – Elle est un rappel de Ce qui nous anime (âme), de Son verbe (transmission, pranahuti), de Son amour, mais nous savons qu’Il n’est pas cela.

Théo. – Tu effaces cela aussi ?

L’Ancien. – Je préfère effacer l’Amour car le « Cela » est pour moi encore un peu trop mental. L’effacement serait le « non-mental ».

– Et tu effacerais ce non-mental de la perception de Dieu ? continue Théo abasourdi et un peu perdu.

L’Ancien se rend compte de la difficulté et comme toujours décide d’utiliser l’expérience plutôt qu’un long discours :

– Refaisons le chemin par l’Amour propose-t-il calmement à son élève.
Commence par te mettre en résonance avec l’Amour Sublime.
Efface-le,
Efface même l’idée de résonance,
Efface ce qui reste, tant qu’il reste quelque chose à effacer, aussi subtil que ça puisse être.
Efface l’effacement quand tu es parvenu à l’essence de l’essence de l’Amour, pour être sûr qu’il ne reste rien qui ne soit autre que Dieu Absolu.

Théo guidé par la voix de son ami se retrouve plongé dans un espace inconnu qu’aucun mot ne saurait décrire. Même le silence qui l’entoure semble de trop.

A suivre…

Théophile l’Ancien
Extrait de 
Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune