Théo. – Qu’est-ce qui compte le plus selon toi pour être un bon méditant ?
L’Ancien. – L’ardeur, l’enthousiasme.
Théo. – C’est pour cela que tu préfères l’appeler aspirant plutôt que pratiquant ?
L’Ancien. – La pratique, grâce au nettoyage et à la transmission, est extrêmement efficace, mais le But reste une conquête.
Théo. – Principalement envers soi-même. D’ailleurs j’ai remarqué que les méditants qui m’inspirent le plus, réussissent aussi dans leur vie, tant dans leur milieu professionnel que familial. Ils entreprennent leur quête non pas par manque mais par…
L’Ancien l’interrompt :
– Chaque âme aspire à la même chose, le retour à Dieu. Ne préjuge pas suivant des critères extérieurs. Tu voulais un critère important, en voici un : la compassion. Pour certains, la destinée que leur âme a choisie n’est pas facile. C’est souvent parce qu’elle veut atteindre le but rapidement.
Théo. – Mais le parcours choisi est parfois extrêmement difficile, presque insurmontable…
L’Ancien. – Le Maître de Sagesse le sait et ces aspirants obtiendront toute son aide. La libération, la réalisation viennent parfois soudainement, de manière inattendue, bien souvent après des années, voire des vies de travail à la « mine ». Cela mérite un profond respect.
Théo. – Je comprends, tu as raison.
L’Ancien. – L’Amour ne se soucie pas de nos critères, mais de l’ouverture des cœurs et c’est à cela que nous travaillons. Aucune technique yogique n’est capable d’y parvenir. L’Amour répond à l’Amour.
Théo. – Nous pouvons quand même aider…
L’Ancien. – Par le nettoyage des samskaras, nous allégeons le fardeau de nos frères et sœurs et nous leur donnons accès à une plus grande conscience, à la lucidité.
Par exemple le nettoyage du point 1 va libérer le pratiquant de ses désirs obsessionnels, pour faire naître l’amour véritable en lui.
Théo. – Oui, mais la recherche systématique des plaisirs cache souvent autre chose, une certaine insatisfaction.
L’Ancien. – Effectivement, c’est comme un vide qu’ils essaient de combler, un gouffre sans fond qui amène peu de satisfactions durables et surtout du déséquilibre. Beaucoup de personnes ont de la difficulté à vivre leur vie. Ils la subissent. Les Maîtres de Sagesse et d’amour s’en rendent compte. Ils aident, mais à la racine. Ils contribuent à la libération de la cause de toutes les souffrances.
Théo. – Et ils sont plutôt résolus…
L’Ancien. – Leur volonté est puissante. C’est celle qui leur a permis d’arriver à Dieu et de s’immerger en lui, alors quand ils l’appliquent à leur mission ils sont terriblement efficaces… mais jamais contraignants. Ils ne vont jamais à l’encontre de ce que veut la personne. Ils l’acceptent et l’aiment telle qu’elle est. Et si elle le demande, ils l’accompagnent tout au long de sa vie et plus.
Théo. – Comment savoir qui j’ai en face de moi ?
L’Ancien. – Par la transmission : la transmission révèle à l’esprit qui est la personne assise en face de toi.
Théo. – Je croyais la transmission neutre ?
L’Ancien. – Elle l’est, mais elle renforce tout ce qui est en contact avec elle. Elle l’alimente et le fait grandir.
Théo. – Je vois. C’est pour cela que nous l’utilisons seulement sur un cœur qui a été purifié au préalable.
L’Ancien. – Nous nettoyons toute la région du cœur. Babuji disait qu’elle couvre l’être du sommet de la tête jusqu’aux pieds.
Théo. – La transmission sert surtout à révéler Dieu en nous, n’est-ce pas ?
L’Ancien. – Elle le fait merveilleusement. La transmission est la nourriture de l’âme.
Après un temps de réflexion, Théo dit :
– De la même façon, il me semble que pour être un « bon » précepteur, il va me falloir travailler encore plus dur comme méditant, que je devienne un aspirant qui aspire réellement, un disciple sincère, si je veux faire un bon travail d’enseignant.
L’Ancien. – Bien vu ! La majeure partie de ton travail consiste dans de la préparation par le nettoyage en vue d’amener l’aspirant à un haut degré de purification.
Théo. – Jusqu’à présent, je voyais l’avancée du yatra au travers des différents chakras, et l’accent mis sur les cinq premiers chakras du cœur…
L’Ancien. – … qui sont en liaison avec les cinq éléments, cela en vue de la libération de l’âme et de sa Réalisation. Jusqu’ici tout va bien.
Théo. – Oui mais ce que tu m’as appris sur la résonance donne une tout autre perspective. Purifier, se purifier pour utiliser la transmission de manière optimale, bien sûr, mais surtout pour amener l’aspirant à avoir un cœur parfaitement pur. Seule condition pour que le Seigneur vienne y demeurer en permanence.
L’Ancien. – Il n’y a que la force de l’Amour pour arriver à ce résultat.
A ce moment béni, la grâce peut se déverser directement dans le cœur du méditant et alors il n’y a plus de limite. Le But, le Centre est là.
Théo. – En fait il l’a toujours été, mais nous l’ignorions.
L’Ancien. – Nous en prenons connaissance par la pratique et la fréquentation. C’est l’aspect jnana-yoga (yoga de la connaissance) dans le système du raja-yoga.
Théo. – Je comprends mieux lorsque Daaji nous dit que le travail des points A et B n’est pas seulement la purification des vasanas (désirs), mais que leur purification donne accès à la supra-conscience et au monde lumineux (résidence des âmes libérées).
L’Ancien. – C’est le maître intérieur du précepteur qui doit travailler.
Théo. – Autrement nous aurions un piètre résultat !
L’Ancien. – Le précepteur contribue à libérer le maître intérieur dans le cœur du méditant.
Théo. – Je réalise que seul l’Amour peut arriver à ce résultat.
L’Ancien. – C’est pour cela que le Sahaj Marg (Voie Naturelle) est une voie du cœur.
Théo. – Comment déclencher l’amour chez l’aspirant ?
L’Ancien. – C’est un mystère.
Théo. – Mais encore ?
L’Ancien. – En devenant toi-même amour, en devenant toi-même ce que tu proposes au méditant.
Théo, mi-amusé mi-sérieux :
– Alors le pauvre, il peut se faire du souci !
L’Ancien. – C’est la raison pour laquelle l’effacement de soi est prôné.
Théo. – Encore plus fortement pour le précepteur je pense…
L’Ancien. – Il y a quelques temps en France, certains précepteurs se donnaient de l’importance à cause de la manifestation de l’énergie yogique. Les gens croyaient que cela venait des précepteurs et ils les idéalisaient. Grave erreur !
Théo. – Comme tu l’as dit l’autre jour, un bon précepteur est un précepteur mort !
L’Ancien. – Tout à fait, mort à lui-même, présent à Dieu, en lui, dans l’autre, partout. C’est l’état béni de laya-avastha (dissolution) qui permet la libre circulation, le libre travail du Maître. Et c’est une merveille dont tu deviens le témoin privilégié. Les résultats obtenus par le moi (l’ego = ahankara) du précepteur sont dérisoires en comparaison. Lorsque tu en es conscient, tu ne veux plus que cela. Cela en devient même douloureux quand ton ego fait des siennes et que le maître intérieur attend patiemment qu’il se retire pour laisser la place au Divin.
L’état de dissolution (laya-avastha) est une véritable naissance. La résonance commence par le cœur, qui contient tout. Le cœur du cœur du cœur est l’essence même de Dieu. Il suffit de le laisser émerger. Nous lui laissons la place…
Théo. – … et le travail se fait de main de maître, par l’Amour.
L’Ancien. – Alors tout peut se passer…
Théo. – Et nous, nous rendons grâce !
Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune