L’Ancien. – Dans le mandala qui représente anahata-chakra, un animal symbolique est aussi associé au cœur : c’est l’Antilope. Elle est puissante et rapide, en même temps sensible et délicate. Elle demeure vigilante vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle évoque la vigilance et l’attention dont le yogi doit être pourvu durant son chemin spirituel.
Théo. – Mais c’est aussi un animal craintif qui regarde toujours s’il y a un danger imminent. L’antilope tressaute au moindre bruit.
L’Ancien. – En effet, elle représente la partie superficielle du cœur, la zone émotive, en alerte. Cependant l’antilope utilise cette singularité seulement pour sa survie. Face à de puissants prédateurs, sa vigilance et sa promptitude à s’éloigner du danger sont essentielles. Les prédateurs, nos tendances égotiques doivent ruser pour attraper l’antilope, car elle est vigilante.
Théo. – On peut considérer la vigilance comme la garde du cœur : elle nous prémunit de nos tendances intérieures et nous permet de nous tenir à distance. Quand ces tendances sont trop proches, elle nous permet de les fuir rapidement afin d’éviter leur emprise.
L’Ancien. – Tout comme la technique qui consiste à ignorer les pensées indésirables et à poursuivre notre méditation sur la lumière divine.
Théo. – Un jour, j’ai regardé un documentaire dans lequel les gazelles broutaient tranquillement à quelques mètres des lions. Ces derniers étaient paisiblement couchés et ne se préoccupaient pas des gazelles. Ils n’étaient pas en chasse et les gazelles le savaient : pas de danger, les tendances, les émotions qui les accompagnent sont absentes. Les gazelles n’ont pas peur. Elles savent.
L’Ancien. – Pour nous les rajas-yogis, il suffit d’être paisiblement au contact avec notre cœur et de rester vigilants. Les instincts sont moins nécessaires, la conscience est plus développée. Nous passons de l’instinct à l’intuition puis de l’intuition à la connaissance. La promptitude et la rapidité de la réaction sont des qualités.
Théo. – Existe-t-il d’autres caractéristiques d’anahata-chakra ?
L’Ancien. – La principale est la présence de jivan-jyoti, littéralement la lumière vivante. Dans les textes, il est dit que c’est dans anahata-chakra que réside l’étincelle divine et que c’est là, seulement, que l’on peut la trouver. Anahata-chakra constitue une clef essentielle. Il se situe à la lisière du monde de la manifestation et de celui de l’esprit. Présent au centre de l’être, il distribue tous les pranas dans les trois corps (causal, subtil et grossier). Il permet ainsi d’intégrer toutes les dimensions dans l’incarnation.
Théo. – Babuji a dit que la transmission est la nourriture de l’âme et toi, tu y as ajouté l’amour.
L’Ancien. – N’oublie pas la Grâce et ses merveilles. Ce sont des mystères pour l’homme mais tous, nous pouvons en apprécier les bienfaits.
Théo. – Pourrait-on faire un lien entre anahata-chakra et shen ? En médecine chinoise, j’ai appris que shen est le cœur-esprit, distinct du cœur-organe, xin. Il régule les souffles, Qi, dans les réseaux d’animations du corps et commande les cinq shens, identiques à nos cinq points du cœur, liés aux cinq sentiments et aux cinq émotions de l’être. Shen est appelé l’Empereur : par lui coulent les énergies entre Ciel et Terre. Elles s’intègrent en lui pour être redistribuées par son entremise à tous les autres organes. Il est dit encore que les cinq souffles de la Terre rencontrent les six souffles du Ciel et que cela crée l’homme alchimique, l’homme taoïste qui danse dans l’univers, les cheveux aux vents.
L’Ancien. – Il est vrai qu’il y a beaucoup de similitudes. La qualité d’anahata-chakra est le mouvement et l’expansion de la conscience. Il est relié à l’élément vayu, l’air.
Théo. – C’est pour cela que beaucoup d’hommes ont des courants d’air dans le cerveau !
L’Ancien, moqueur :
– Tu viens d’en donner l’exemple en passant du coq à l’âne !
Théo. – Les soufis appellent leur ego « l’âne ».
L’Ancien. – Notre âne permet bien des choses. Il est robuste, déterminé, infatigable. Ce sont de bonnes qualités pour rejoindre le but. Il doit juste se laisser guider par son Maître.
Théo. – Autrement il déambule au gré de ses envies, allant d’une touffe d’herbes à une autre, sans but précis.
L’ancien redevient plus sérieux et poursuit :
– Notre flamme de vie est située au centre du lotus aux huit pétales du cœur, entouré d’une couronne à douze pétales, les douze superbes qualités de notre cœur. Elle est protégée des assauts de vayu, le vent de l’esprit.
Théo. – C’est pour cela qu’en Yoga nous apprenons la concentration et l’attention sur la source d’énergie divine dans notre cœur, afin d’équilibrer notre mental et permettre à notre conscience de se développer.
L’Ancien. – Cela m’amène à une autre caractéristique d’anahata-chakra : Kalpataru, l’Arbre céleste qui exhausse tous les vœux et qui accorde bien au-delà du résultat souhaité. Le cœur est aussi le lieu des désirs que nous devrons transcender. Les désirs se transforment dans le désir unique de la réalisation du Soi, de Dieu. Nous l’étudierons en détail plus tard avec le point 1 (chakra de la fleur du cœur).
Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune