Résonance et synchronicité
Théo. – Tu m’as parlé du phénomène de résonance en spiritualité. J’aimerais que tu développes davantage.
En physique, la résonance est un phénomène vibratoire qui a donné comme application tous nos systèmes de communication modernes. Il y a aussi l’expérience de Christian Huygens avec la synchronisation pour des balanciers de ses horloges murales. Qu’en est-il dans le domaine spirituel ?
L’Ancien. – Tu viens de donner le mot-clef : « synchronisation ». Nous cherchons à être en « synchronisation » avec Dieu dans notre démarche spirituelle.
Théo. – Mais tu dis que Dieu n’est Rien, comment peut-on parler de synchronisation ?
L’Ancien. – Il est ce Rien dont tout provient et qui est le Centre de tout ce qui existe dans cette création.
Théo. – Nous méditons donc sur ce Centre, mais ce n’est pas évident.
L’Ancien. – C’est la raison pour laquelle Babuji nous a offert de méditer sur la lumière divine dans notre cœur. C’est une porte d’entrée fantastique, mais très encombrée au début de notre sadhana (pratique).
Théo. – C’est pour cela que nous pratiquons aussi le nettoyage, afin de nous libérer de nos complexités (samskaras) et d’éliminer les enveloppes d’illusions (mayakoshas).
Mais que vient faire la résonance…
Théo se tait, un peu hésitant, mais finalement décide de poursuivre :
– Ne fais pas cette tête, L’Ancien, je sais qu’il est préférable de sentir plutôt que de raisonner, mais j’ai fait des études scientifiques et j’aime aussi comprendre et faire des parallèles.
L’Ancien sourit :
– Comme dirait le Yi King : « Pas de blâme ». Nous parlons de résonance au plus haut niveau, celui du Divin. Pour être en résonance avec Dieu, il faudrait être semblable à Dieu.
Théo. – C’est-à-dire Rien, vide ?
L’Ancien. – La pureté doit être absolue.
Théo. – C’est impossible !
L’Ancien. – C’est pour cela que nous travaillons directement avec les Maîtres dont le cœur est devenu semblable à Dieu. C’est le troisième niveau de libération, quand « Dieu est libéré en Dieu ». Le guide nettoie le cœur de l’aspirant afin qu’il devienne comme celui de son Maître aussi pur et prêt pour le Divin,
Théo. – Mais qu’en est-il de la résonance dans ce processus ?
L’Ancien. – Dans l’idéal, quand le travail de préparation de l’aspirant est accompli, le précepteur se met en résonance avec le cœur du Divin en lui. De la même façon quand il s’agit d’un groupe de méditants, ils deviennent alors comme des boîtes de résonance, en synchronisation avec le cœur du Maître dans le précepteur.
Théo. – Ce qui m’inquiète, c’est que je médite depuis peu et je viens juste de devenir un guide, alors mon cœur ne peut pas être comme celui du Maître…
L’Ancien. – Considère la situation différemment : lors des méditations d’initiation, qui correspondent à la mise en mouvement de l’âme et le début du yatra, le nouveau méditant est directement connecté au cœur du Maître à la fin des trois jours. Son cœur est connecté au cœur du Maître et il reçoit la transmission yogique (pranahuti, le Verbe divin).
– Je me souviens encore de ma magnifique initiation ! dit Théo les yeux brillants.
L’Ancien. – Ton cœur a déjà reçu ce lien et maintenant, puisque tu es devenu précepteur, le Maître permet que la transmission (pranahuti) passe par ton cœur vers le cœur du méditant.
Théo. – Je comprends : tout est en place, autant chez moi que chez l’aspirant. Mais que faire pour mettre en œuvre cette fameuse résonance que tu as évoquée ?
L’Ancien. – Te retirer pour laisser l’entière place au Maître, au cœur du Maître, qui est semblable à Dieu.
Le cœur du Maître en toi entre en résonance avec le cœur du Maître chez l’aspirant.
Théo. – Et ça marche ?
L’Ancien. – Uniquement si tu te retires entièrement pour que la résonance puisse opérer.
Théo. – Mais le méditant lui-même n’est pas forcément à ce niveau d’effacement !
L’Ancien. – C’est là qu’en tant que précepteur tu t’adresses directement au cœur du Maître « dans » l’aspirant. Le Centre, la Source, a été éveillé au cours de son initiation. Il œuvre de lui-même pour se mettre en résonance avec ton cœur.
Résonance de cœur à cœur et vie de couple
Théo. – Y a-t-il différents niveaux de résonance ? Quand tu m’as expliqué la communication de cœur à cœur n’était-ce pas aussi une forme de résonance ? Une résonance entre deux cœurs, d’âme à âme ?
L’Ancien. – La résonance se fait dans la région du cœur (pindesh). Plus cette région aura été purifiée, plus intense sera l’harmonie entre les cœurs.
Théo. – Mais entre les cœurs de deux amoureux, la résonance serait plutôt magnétique ! Les émotions, les sentiments, les corps même entrent en résonance et s’attirent, nous sommes dans le monde de la dualité, du yin-yang, de tamas–rajas, sous l’égide de la nature et de ses lois d’attraction et de répulsion.
L’Ancien. – Pour former un couple qui pourra durer dans le temps, la résonance doit se situer au niveau de l’âme, qui est porteuse du destin de chacun (swadharma). S’il y a communion des âmes, à ce moment-là nous pouvons dire qu’il y a une harmonie qui permettra aux deux êtres de s’unir sur tous les plans et de fonder une famille. Les âmes qui s’incarneront au travers d’elles seront en parfaite résonance et probablement d’un haut niveau de maturité spirituelle.
Théo. – Est-ce que tu considères les désirs et l’attirance comme des parasites dans les fréquences ?
L’Ancien rit de bon cœur :
– J’ai beau être vieux, je me souviens de ce que l’on ressent quand on est amoureux. Je parle juste d’une union durable qui ne sera pas sujette principalement aux tendances : « Tu me plais, tu es beau ou tu es belle, je te désire. » Certaines études de la psychologie positive tendent à démontrer que la passion ne dure pas plus de cinq ans, avant de décliner voire s’éteindre au bout de dix ans. Si l’union n’est pas basée sur l’amour vrai, elle risque de ne pas durer … ou d’amener beaucoup de souffrances !
Théo. – La prise de décision pour former un couple devrait être basée sur l’état sattvique c’est-à-dire d’équilibre en soi, et l’on devrait attendre que l’état rajasique, donc la passion, se soit calmé. Personne ne voudra en entendre parler !
L’Ancien. – La recherche systématique du plaisir entraîne automatiquement son opposé, c’est-à-dire le manque et la souffrance. On ne possède personne, mais chacun se donne selon les lois de l’amour. Ainsi un couple basé sur l’état sattvique s’engage sur la voie d’un bonheur durable, d’une joie (ananda) et d’une paix profondes.
Théo. – D’accord, vu comme ça. Mais on peut aussi dire que la méditation du cœur contribue à l’harmonie dans un couple, non ?
L’Ancien (amusé) :
– Je t’écoute !
Théo. – Tu m’as dit que le chakra du point 2 (atma-chakra) éveillé, purifié et illuminé déclenche l’amour et le dévouement pour l’être aimé. Ensuite, le chakra 3, point du feu, fait naître une réelle compréhension de l’être aimé, au lieu de la colère et de la frustration s’il n’est pas purifié, d’accord ?
L’Ancien. – Oui.
Théo. – Enfin, quant à la peur pour l’autre, la peur de l’autre, la jalousie, tout cela disparaît quand le point 4, le chakra de l’eau s équilibre et retrouve sa pureté.
L’Ancien. – Ce n’est pas fini, le point 5 est aussi important dans les relations avec les autres.
Théo après une pause :
– Quand le point 5 est purifié et illuminé… toutes les illusions, toutes les projections que nous faisons sur l’être aimé sont dissipées. Ce processus participe pleinement à la réussite d’une vie à deux, non ?
L’Ancien. – Parfaitement. Tu comprends pourquoi la méditation du cœur selon le Sahaj Marg n’apporte pas seulement la réalisation de l’Ultime. Elle développe aussi l’harmonie et l’équilibre dans tous les domaines de la vie quotidienne.
Théo. – C’est à la fois simple et tellement vaste…
L’Ancien. – Il n’y a pas de restriction dans le Sahaj Marg, tout a sa raison d’être mais doit être à sa juste place. Pour moi, vivre selon le Sahaj Marg, c’est gouverner sa vie par le cœur, qui est le plus grand intégrateur qui soit. Il intègre toutes les dimensions de la conscience dans l’Amour et le distribue dans l’être et tout autour de l’être à sa juste mesure.
Théo. – Je comprends ce que propose Daaji avec Heartfulness : le bien-être et le bonheur par le cœur au quotidien, et pas uniquement la quête de l’Ultime.
L’Ancien. – Qui peut le plus, peut le moins. La dimension la plus haute de l’être, intègre et englobe toutes les autres dimensions. Il n’y a plus d’exclusion. On sait aimer et se comporter de manière juste avec son partenaire, ses enfants, ses amis, ses voisins … avec le monde en général. L’esprit est équanime, le discernement permet de savoir ce que nous avons à faire ou non. C’est cela vivre par le cœur.
Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune