Théo. – Jeanne m’a parlé de la voie chrétienne et m’a dit que tu me présenterais la voie soufie.
Peux-tu m’en dire quelques mots ? J’ai cru comprendre que nous en sommes très proches.

L’Ancien. – Nous faisons Un avec toutes les voies qui mènent à Dieu. Le soufisme en est une. Il est aussi appelé : la doctrine du pur amour. La voie du soufisme est comme la nôtre, une voie directe, la « verticale » dont parlait Babuji, mais aussi le chemin qui conduit à la Vérité comme la voie des étoiles. L’humanité, elle, semble avoir choisi la grande et large spirale de l’évolution. Elle prend son temps et parfois même s’égare, mais tôt ou tard, tout revient à Dieu. Le Divin est à la fois hors du temps et dans le temps, tout ce que nous faisons est en Lui.

Théo. – Même le mal ?

L’Ancien. – Tout ! Le bien comme le mal. Au niveau du Divin la dualité n’existe pas. Elle débute au niveau dit « cosmique », celui de la création, mais c’est au niveau humain que cela devient dantesque.

Théo. – Tu penses à l’enfer de Dante ?

L’Ancien. – A l’enfer et au paradis créés par les hommes. Ils se font peur et nourrissent des espoirs illusoires.

Si Dieu existe,
Il est aussi en enfer
Puisqu’Il est omniprésent.

Montre-moi un endroit où le Divin n’est pas, poursuit L’Ancien. La création est le miroir de Dieu dans lequel il se contemple. Il donne vie à toute créature. La Beauté est en chacune d’elles, elle est unique et porte Sa signature. C’est pour cela qu’il nous faut respecter et aimer chaque vie, la Vie.

Dieu est le matriciel,
De Lui naît toute vie.

L’homme possède un œil extérieur et un œil intérieur. C’est par la lumière que les objets deviennent visibles et c’est par la Lumière de la révélation que l’œil interne peut percevoir les réalités spirituelles. La difficulté vient de ce que nous limitons le Divin par nos projections. Nous le limitons, que ce soit dans le limité autant que dans l’illimité. En fait il est complet :
« Il est Rien-Tout. »
Il est vibration, lumière. Il communique avec nous aussi bien par le dense que par le subtil.

Théo. – Comment saisir la complétude de Dieu ? Nous vivons dans la dualité, nous sommes duels, comment appréhender l’unité ?

L’Ancien. – Essayons, veux-tu ?

Théo s’ouvre totalement et se rend complètement disponible. Sa conscience rejoint le deuxième niveau du cœur, celui de la conscience universelle. Il est sereinement attentif aux paroles de l’Ancien.

L’Ancien. – Choisis une paire d’opposés originels, comme le masculin et le féminin, le yin et le yang ou Purusha et Prakriti.
Fais les fusionner … Silence …
L’essence de leur fusion est le Créateur… Silence …
Celui qui a créé l’ombre et la lumière… Silence …
Efface cette essence en toi… Silence …
Tu accèdes à l’Essence de l’essence… Silence …
Oublie-toi en elle, fusionne… Silence …
C’est Dieu incréé.

Théo. – La complétude divine est entre le créé et l’incréé.

L’Ancien. – Fais-les fusionner et tu accèdes à la Réalité.

Théo. – Je peux donc le faire avec toutes les paires d’opposés et répondre à de nombreuses questions que je me pose, n’est-ce pas ?

L’Ancien. – A quoi penses-tu ?

Théo. – A tout, à des paradoxes comme le bien et le mal, l’ombre et la lumière.

Le regard malicieux, Théo propose :
– Et le plus grand des paradoxes, l’homme et la femme, un vrai mystère !

– Toi, l’autre… suggère l’Ancien.

Théo. – D’accord, je fais fusionner moi et l’autre …

L’Ancien. – Et tu trouves ?

Théo. – Dieu.

L’Ancien. – Donne-moi des exemples que tu aimerais explorer.

Théo. – L’alpha et l’oméga.
Le limité et l’illimité.
Le fini et l’infini.
Le mobile et l’immobile.
Le carré et le cercle.
Le temps et l’espace.
Le centre et la périphérie.
Le manifesté et le non manifesté.
Le temps et le non-temps.
Le mental et le non-mental.
La parole et le silence.
Le silence et le Silence.
La créature et le créateur.
Soi et Dieu.
Moi et Dieu.

L’Ancien éclate de rire :
– Que de questions métaphysiques ! Je te rappelle que c’est un exercice non-mental, basé sur la fusion vibratoire pour effectuer un saut quantique dans le Réel, puis l’Absolu.

Théo réplique joyeux :
– Si je fais « toi et moi » la réponse sera probablement un véritable oxymore !
J’ai entendu dire que l’homme est une métaphore de Dieu.
Sérieusement pourquoi cet exercice ?

L’Ancien. – Pour te déconditionner spirituellement et laisser le champ libre au Divin en toi. Chaque fois que tu feras cet exercice avec une paire d’opposés, tu découvriras une qualité et un attribut divins.

Dieu aspire à Dieu en chacun.

L’homme est le miroir de Dieu.

Par lui il contemple Sa création.

Chacune de ses créatures est unique
Et porte Sa signature.

Chacun est Son chef d’œuvre,
Mais beaucoup sont encore en cours de façonnage.

Chacun est parfait dans son imperfection.
Le reconnaître, c’est la véritable humilité,
C’est la Réalité.

Nous sommes faits d’argile et d’esprit.

L’homme est un isthme entre l’ombre et la lumière.

Il est l’avant-garde de la Création

Théo. – Quelle est notre relation à Dieu ?

L’Ancien. – L’Amour. Notre relation au Divin est basée sur l’amour, alors notre relation à la vie et à l’autre sera aussi basée sur l’amour.

Théo. – C’est un beau programme.

L’Ancien. – Quand un champ d’amour est créé, tout devient possible. Il n’y a plus aucune restriction, aucune limite. Nous avons quitté le domaine de la foi pour celui de la certitude. Alors tout naturellement, la paix, le silence et l’équilibre s’installent en nous.

Théo. – Sans effort, je suppose, c’est la pratique avancée.

L’Ancien. – Le non-effort vient de l’effort, qui provient du travail de purification et de simplification de l’être. C’est lui qui permet d’être dans la Présence donnant accès à la conscience divine.

Théo. – Jeanne a parlé de « fana », de l’extinction dans la voie soufie. Peux-tu m’expliquer ?

L’Ancien. – C’est simple : quand Dieu est présent, c’est que je suis absent.
Mais je vais te faire rencontrer un ami qui m’est cher et qui te parlera de sa Voie, tout comme Jeanne l’a fait précédemment.

A suivre…

Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune