Théo. – Tu affirmes que l’expérience seule permet de saisir le Réel.
L’Ancien. – Oui, la réflexion vient ensuite, grâce à la conscience supérieure de l’être. Par la méditation tu cherches à créer un environnement propice en toi afin de rendre possible tout le processus.
Théo. – Cela ne marche pas toujours.
L’Ancien poursuit :
– Tu favorises cet environnement intérieur par la prière et le nettoyage.
Théo paraît légèrement dubitatif.
L’Ancien. – C’est pour cela que Babuji, nous exhorte à fixer notre but sans relâche. Rappelle-toi la troisième maxime : « Fixez votre but qui devrait être l’unité complète avec Dieu. Ne vous reposez pas tant que l’idéal n’est pas atteint. »
Théo. – Cela veut dire que la pratique perd en intensité si le But n’est pas harponné solidement.
L’Ancien, riant :
– A part Jonas, personne n’avait décrit Dieu comme une baleine. Si tu le veux bien Théo, ce serait plutôt Dieu qui nous harponnerait, en nous cueillant comme un fruit mûr.
Théo. – J’ai un rapport à Dieu plus amical, mais quelle serait la bonne approche ?
L’Ancien. – Certains chercheurs l’appellent « Dieu » et son représentant « l’Ami ». Qu’importe la manière dont tu l’aborderas. Dieu y répond toujours. D’autres le traitent même comme l’ennemi.
Théo. – Et Dieu y répond ?
L’Ancien. – Avec ardeur. La difficulté réside dans « les âmes tièdes », comme il est dit dans les Evangiles …
Théo amusé :
– Dieu fait feu de tout bois !
L’Ancien. – Ce qui compte, c’est un état d’innocence, une spontanéité qui amène à l’effacement de soi et à l’humilité. Prends l’exemple de la connaissance : plus tu en sais, plus tu prends conscience de ton ignorance. Cette humilité-là est motrice, elle te donne l’envie d’aller de l’avant, de découvrir toujours plus.
Théo. – Je ne suis pas trop doué pour la contrition. J’ai plutôt une nature dynamique, d’aucuns diront arrogante.
L’Ancien. – C’est la première partie de la quête de Dieu. Elle est pleine, positive, joyeuse … parfois débordante.
Théo. – Tu me rassures. Je n’aimerais pas devenir un de ces spiritualistes tristes, compassés. Je peux m’exercer à l’humilité, mais je lui préfère nettement le souvenir constant. Il m’est plus facile de plonger dans ce canal principal que tu as évoqué, et si d’aventure je perds mon magnifique ego, eh bien ! je ne m’en rendrai même pas compte ! Sur l’épitaphe de mon ego j’inscrirai : « Tombé en Dieu par inadvertance et n’a plus voulu en sortir. »
L’Ancien. – Je suis d’accord avec toi, l’oubli de soi provient du souvenir de Dieu. Dieu nous aspire en Lui, dans sa vibration ineffable. Nous gagnons largement au change, même notre ego devient pleinement satisfait. Il trouve enfin sa juste place. Notre mental s’équilibre. Il devient un outil performant au service de notre intellect. Notre conscience, désormais sans limite, part à la découverte des régions inexplorées de l’Amour.
En son for intérieur Théo se sent tout petit et demande à son ami l’Ancien de l’aider à rejoindre ce flux divin qui l’attire tant, et surtout d’avoir la force d’y demeurer.
L’Ancien paisible et bienveillant, hoche imperceptiblement la tête à la requête silencieuse de son jeune ami. Tous deux ferment doucement les yeux et partent en méditation dans les contrées du cœur.
Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune