Théo. – L’autre jour nous avons abordé le QS, le quotient ou l’intelligence spirituelle. Penses-tu vraiment que les scientifiques s’intéressent à la spiritualité et à la méditation ?
L’Ancien. – Ils ont commencé depuis une dizaine d’années. De nos jours les méditations Mindfulness et Heartfulness sont introduites dans tous les milieux, entreprises, écoles, universités, milieu éducatif et touchent aussi le particulier en quête de lui-même et de son équilibre.
Théo. – Auparavant la méditation était pour les « illuminés » comme toi. Ils étaient regardés bizarrement.
L’Ancien. – Aujourd’hui, il est reconnu que la méditation contribue à nous rendre plus performants. L’objectif est de nous améliorer, d’être dans l’excellence. Elle est utilisée pour le développement personnel.
Théo. – Je n’aime pas trop cette idée d’excellence. Elle évoque pour moi les concours des grandes écoles, le formatage des élites intellectuelles et la formation de « killers » qui vont tout faire pour arriver au sommet du pouvoir de l’entreprise et/ou de l’état. Il suffit de voir le comportement des énarques et des politiciens. S’ils ont un cœur, ils le cachent bien.
L’Ancien. – On se calme, Théo. Tous ont un cœur mais souvent ils en ignorent le fonctionnement.
Théo fougueux :
– Leur intelligence reste fruste, primitive. Ils veulent l’argent, le pouvoir. Ils le prennent puisqu’ils sont les meilleurs, les plus forts. Moi d’abord, mes intérêts, mon clan. Sauf qu’eux, ils ont le vernis de l’éducation, de la culture et de la civilisation. Cela ne « Trump » personne.
L’Ancien émet une onde de calme et de sérénité :
– La performance et l’excellence sont ici en relation intime avec soi-même. Tu ne peux être heureux que si tu es en accord avec toi-même, en harmonie. Tu es alors naturellement éthique et moral. Cela ne peut être autrement. Avec la méditation du cœur, l’homme devient ce qu’il a toujours été, un être universel en accord avec lui- même et son environnement. Il a conscience de sa petitesse mais aussi de sa grandeur en regardant les nuits étoilées dans le ciel et le cosmos en lui.
La pratique de la méditation heartfulness permet d’aboutir à un meilleur fonctionnement du cerveau droit et du cerveau gauche qui sont alors sous la commande du cœur. Le cœur est un merveilleux intégrateur et un puissant compagnon, un ami sûr.
Théo. – Est-ce que la science spirituelle est admise par d’autres sciences que la science yogique ?
L’Ancien. – Cela commence : les voies de transmission des neurotransmetteurs ont été mises en évidence entre le cœur et les différentes parties du cerveau.
Théo. – Comment les scientifiques vont-ils arriver à la méditation ?
L’Ancien. – Ils l’utiliseront pour gérer le stress permanent et les émotions perturbatrices, pour améliorer les performances et la capacité à prendre des décisions rapides et efficaces.
Théo. – Ne serait-ce pas une nouvelle façon de « manager » ?
L’Ancien. – Elle fonctionne déjà. J’ai eu la chance de suivre des cours – conférences du Professeur Ichak Adizes qui est une célébrité mondiale dans l’enseignement du management pour les entreprises aussi bien que les états ; sa formule de base pour le succès est « trust and respect » (« confiance et respect »).
Théo. – Pour améliorer la performance d’une entreprise ?
L’Ancien. – Tout à fait et cela donne de très bons résultats… mesurables, quantifiables et rend les personnes plus heureuses dans leur vie comme à leur travail.
Théo. – Comment veux-tu changer des dirigeants ?
L’Ancien. – Je ne veux pas les changer, mais souhaite qu’ils fassent l’expérience intérieure de ce qu’ils sont réellement. Le reste suivra de lui-même. Ils auront envie de faire ce qui est juste. Ils seront aussi plus performants mais surtout plus heureux avec eux- mêmes et leur entourage, familial ou professionnel.
L’intelligence émotionnelle détermine le niveau de performance de la personne.
Théo. – Quels sont les facteurs qui aident à développer l’intelligence émotionnelle ?
L’Ancien. – L’intérêt, qui montre le niveau d’implication, la motivation et donne la patience dans l’effort qu’il a à fournir.
L’attention, dont tu connais déjà les avantages dans la méditation et la joie que cela procure. C’est le signe d’un fonctionnement optimum.
Théo. – Les mêmes conditions que pour la méditation donc.
L’Ancien. – Comme pour la méditation, le neuro-système est lui aussi non-verbal. Ils ont un fonctionnement commun.
Théo. – Que donne réellement l’intelligence émotionnelle ?
L’Ancien. – Une intelligence intra-personnelle par l’écoute de soi et une intelligence inter-personnelle, qui permet l’écoute de l’autre et le développement de l’empathie.
Théo. – Ce sont des qualités de cœur que tu décris.
L’Ancien. – Le vocabulaire varie en fonction de la culture et de l’époque. C’est comme pour les religions. Ici il s’agit de science, pour l’accès au deuxième niveau du cœur que j’ai nommé conscience cosmique ou universelle. La science, elle, parle de métaconnaissance.
Théo. – C’est révolutionnaire !
L’Ancien. – Non, c’est évolutionnaire. Mais je n’ai pas l’intention de te faire un cours sur l’intelligence émotionnelle. C’est passionnant, mais ce qui m’a surtout intéressé c’est un état décrit par le Professeur Mihaly Csikszentmihaly sur l’apprentissage et la fluidité, « flow ».
Théo. – Peux-tu m’en donner les grandes lignes ?
L’Ancien. – La fluidité, « flow », est le summum de l’intelligence émotionnelle qui est décrite comme « l’expérience optimale ». C’est dire que le meilleur de soi est donné et la personne va au-delà de ses propres limites. Cela procure un sentiment de joie spontanée et un profond bien-être. Cet état est très gratifiant pour soi, le regard de l’autre ne compte pas.
Théo. – Comment est la conscience durant l’expérience optimale ?
L’Ancien. – Elle est vaste. Il y a une perte de conscience du temps, de soi et pourtant la personne n’est jamais autant pleinement elle-même. Action et conscience se confondent à ce moment-là.
Théo. – Encore une façon d’oublier l’ego.
L’Ancien. – Oui, car la personne est totalement absorbée par sa tâche et le but à accomplir. Elle est très efficace. Son esprit est souple, adaptable, créatif et réceptif.
Théo. – Cela me rappelle les maîtres taoïstes.
L’Ancien. – Tout à fait. Ils sont en permanence dans la « fluidité ». C’est grâce à ma connaissance spirituelle que j’ai pu reconnaître l’importance et la validité des découvertes faites par les chercheurs dans la psychologie dite émotionnelle.
Théo. – Pour quelle raison ?
L’Ancien. – Comme avec heartfulness, le yoga ou le taoïsme, on peut accéder à son intériorité, à la conscience du cœur sans passer par un contexte spirituel ou religieux. L’expérience est directe et objective.
Théo. – La démarche est quasi scientifique : ne rien croire, expérimenter sans préjugés. L’expérience est reproductible.
L’Ancien. – Il y a une autre similitude avec la méditation. L’expérience optimale par sa fluidité, par la concentration qu’elle déclenche, ressemble à s’y méprendre à la méditation du cœur que nous pratiquons. L’attention est à la fois fluide et détendue. La perception est circulaire. L’état de fluidité déclenche une légère euphorie et pourtant le cerveau est froid et calme. Il est alors possible de parvenir à des performances exceptionnelles.
Théo. – Scientifiquement cela veut dire que les liaisons entre thalamus-amygdale et cortex sont sous contrôle.
L’Ancien. – Et les circuits neuronaux sont plus efficaces : les aptitudes, les compétences sont poussées à leur extrême limite, avec une utilisation minimale d’énergie.
Théo. – Et donc pas de danger de burn-out comme on le voit de plus en plus souvent dans les entreprises.
L’Ancien. – Pour le burn-out, la médecine chinoise parle de vide de yin. La personne n’a plus d’énergie-ressource, d’énergie-racine. Elle est agitée par un yang apparent jusqu’au moment où elle s’écroule et n’a plus accès à son savoir-faire, ses compétences. Elle perd le contrôle d’elle-même. Puisque les mises en garde envoyées par le corps, le cerveau et le cœur n’ont pas été écoutées, le cerveau a déclenché un court-circuit salutaire.
Théo. – J’ai un peu étudié la question et je sais que dans ces moments là, on souffre d’insomnies et on n’arrive plus à récupérer de l’énergie : les fonctions physiologiques, cognitives et parfois même affectives ne fonctionnent plus normalement. C’est le premier pas vers la dépression.
L’Ancien. – C’est l’inverse de l’expérience optimale. L’une régénère et l’autre dégénère. L’une enthousiasme, l’autre… tu vois.
Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune