Cet après-midi Théo arrive renfrogné. L’Ancien ne dit rien et attend patiemment que son jeune ami finisse la tasse de thé à laquelle il réchauffe ses mains… et son cœur.

Théo. – J’ai parfois tellement envie de parvenir à un résultat que j’en deviens nerveux. Tout me paraît à la fois si proche et si lointain ! Par instants, j’ai l’impression de pouvoir m’approcher du Divin, que c’est là, à ma portée, et à d’autres moments que c’est à des années-lumière de moi, que je n’y arriverai jamais. Le doute s’installe. Je me sens découragé et habité par une grande confusion.

L’Ancien. – Il te faut toujours partir de l’instant présent, observer puis ajuster ce qui peut l’être et remettre au Maître ce qui ne peut pas l’être. Nous allons méditer tout de suite, veux-tu ?

Théo. – Quand tu dis …

L’Ancien l’interrompt :
– Commence s’il te plaît.

Théo a compris : malgré son agitation il s’intériorise rapidement, s’ajuste et sent que tout s’aligne.
Il porte son attention vers son cœur, vers la source de la lumière divine.

L’Ancien transmet. Le jeune homme ressent les effets apaisants, tout en lui se détend.
La présence intérieure s’installe, une vague d’amour le submerge…
Il la laisse l’emporter au loin, à l’infini…
Le silence règne …
Silence dans le silence.

Après un long moment l’Ancien murmure :
– Tu peux ouvrir les yeux, Théo, mais reste en contact avec la Source dans ton cœur.

Totalement présent à son ami, l’œil gauche du vieux sage semble immergé dans son propre cœur, tandis que le droit plonge dans celui de Théo.
– Où en es-tu de ta confusion ? l’interroge-t-il doucement.

Théo. – Elle a disparu. Totalement.

L’Ancien. – Maintenant que ton mental (manas) est ajusté et en équilibre, ton intellect (buddhi) peut fonctionner correctement. Aucune émotion ne viendra le perturber. Tu peux réellement penser.

Théo réfléchit et explique: Je crois que c’est le désarroi de mon ego face à l’immensité de la tâche qui me met dans cet état. Quand je suis en état méditatif, et encore plus quand tu m’aides, mon cœur, mon âme (atman) devient le centre en moi-même et toute confusion disparaît.

L’Ancien. – Cela concerne le phénomène de l’égocentrisme. Quand le Divin est à sa place, au centre de notre être, tout prend sa juste place.

Théo. – Il faut donc chasser l’ego quand il se veut au centre et tente de jouer l’usurpateur ?

L’Ancien. – Ce serait combattre l’ego par l’ego. Cela ne fonctionne pas.

L’Ancien se tait. Théo perçoit alors une vague d’amour dans le silence des cœurs en résonnance harmonique.

L’Ancien. – La solution n’est pas mentale et ne passe évidemment pas par l’ego. Quand je me sens désarmé, impuissant ou énervé et en colère, c’est le signe que je dois immédiatement lâcher prise par le cœur.

Théo. – Facile à dire …

L’Ancien. – Tu comprends mieux pourquoi tu as besoin de t’entraîner à la méditation.

Théo. – Oui, bien sûr, parce que lorsque je médite, je m’oublie moi-même. Mais je ne peux pas vivre les yeux fermés tout de même !

L’Ancien sourit.

Théo. – Oui, je sais, je peux le faire aussi les yeux ouverts réplique le jeune homme apaisé.

Détendu il replonge … dans une nouvelle tasse de thé que lui sert l’Ancien amusé.

Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune