Les passions insistantes que soulèvent la croyance ou la non croyance en telle ou telle voie de ce monde provoquent très souvent en nous et autour de nous des débats enivrants, qui sont un fléau pour nous-mêmes, pour nos relations et même pour les nations. Que de querelles et de combats ! Que d’humains égarés au milieu de vociférations contradictoires proclamant la vraie croyance, élevés dans la sagesse populaire, les disputes théologiques, les préjugés et la surenchère !

Lorsque nos croyances, surtout celles qui nous sont les plus chères, sont mises en cause par les circonstances, comment faisons-nous pour le reconnaître et, le cas échéant, nous corriger ? Comment résoudre la situation dans le respect mutuel et avec humilité lorsque d’autres nous contestent ?

Il existe un moyen.

Que l’on désigne les principes de l’évolution humaine par le nom sanscrit de yoga ou par son équivalent en anglais, en farsi ou en hébreu, les états spirituels subtils produits par la pratique yogique se ressemblent et apportent les mêmes bienfaits à toute l’humanité.

Ce serait merveilleux de montrer l’efficacité de la pratique yogique en donnant la possibilité de vivre des états subtils conduisant à un meilleur discernement, à l’autorégulation, à la guidance intérieure, etc. La connaissance acquise grâce à l’expérience personnelle ne laisse place ni au doute ni à la contradiction. Dispensée par l’expérience, cette connaissance embellit et illumine la vie. En revanche, la connaissance sans expérience, surtout dans le domaine du yoga, reste souvent enfouie comme un fardeau.

Avant de réaliser cet idéal en atteignant les états spirituels subtils, on doit se demander sincèrement si c’est par peur qu’on le recherche ou dans l’idée d’acquérir des dons divins, dans ce monde ou dans l’au-delà. Le véritable chercheur, et même le chercheur idéal, est celui qui, face à Dieu, est inaccessible à la peur ou à la tentation.

UNE QUESTION FONDAMENTALE ET LA SCIENCE DU YOGA

Les expériences aux niveaux physique, émotionnel, mental et spirituel peuvent nous révéler qui nous sommes réellement. La simple observation montre que nous devons respirer en permanence et manger tous les jours pour entretenir au mieux notre corps physique. En revanche, Les besoins mentaux et émotionnels n’exigent pas une satisfaction aussi permanente et quotidienne, alors que les besoins spirituels, satisfaits une fois dans la vie, prennent soin de l’existence individuelle. Cela nous conduit à déduire logiquement qu’il est important de satisfaire les besoins du corps dense, ceux du corps subtil et ceux du corps causal ou âme. Dans la littérature yogique, ces trois corps sont appelés sthoola-sharir, sukshma-sharir et kaaran-sharir.

Les besoins du corps physique ainsi que ceux du corps subtil sont bien connus, et différents exercices physiques, comprenant les asanas ou postures particulières, sont prescrits dans la littérature yogique pour les satisfaire. La nécessité d’entretenir le corps subtil et de stimuler son potentiel est bien connue également, et plusieurs façons d’enrichir l’esprit y répondent.

Reste alors la question fondamentale : comment enrichir l’âme – le corps causal ou kaaran-sharir ? Nous aborderons ce sujet à la fin de cet exposé, lorsqu’il sera question de dhyana, la méditation qui mène au samadhi.

La science du yoga s’est ainsi développée pour nourrir les corps physique ou dense, subtil et causal au moyen de cinq approches bien définies : le hatha-yoga, le karma-yoga, le jnaana-yoga, le bhakti-yoga et le raja-yoga.

Pour avancer vers le centre de son existence, plutôt que de stagner à la périphérie, au niveau physique, dense ou sensuel, l’aspirant au yoga doit plonger profondément, jusqu’au cœur même de son existence. Différents moyens sont prescrits pour atteindre cette noble destination.

Commençons par explorer nos origines. Notre conscience, recouverte par l’ego et alimentée par nos sens et nos facultés, a contribué à notre condition actuelle. Faute d’intérêt ou de dévotion, de connaissances et d’action, nous stagnons dans notre quête, qu’elle soit matérielle ou spirituelle. De nombreuses traditions religieuses évoquent l’importance de la dévotion créée par l’intérêt, upasana, l’action, karma, et la connaissance, jnaana. En outre, les quatre éléments fondamentaux – sadhana-chatusthaya – préconisés pour la réalisation des buts matériels et spirituels sont pratiquement les mêmes dans la plupart des méthodes et des traditions spirituelles.

Les paramètres nécessaires sont manquants ou erronés. 

  1. LE DISCERNEMENT OU VIVEKA

Pour atteindre viveka, la première sadhana, le chercheur doit prendre conscience de ce qui est bon pour son évolution et de ce qui ne l’est pas. Quelle est la cause et quel est l’effet ? Qu’est-ce qui est nuisible et qu’est-ce qui est bénéfique ? Qu’est-ce qui est nécessaire et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Nous voyons beaucoup de choses dans le monde, mais quand nous réfléchissons sur leur existence, nous découvrons qu’elles sont changeantes et se modifient selon les circonstances. Nous tournons alors notre attention vers l’intérieur pour aller plus en profondeur et en rechercher la cause. Notre attention se détourne des choses transitoires et se fixe sur ce qui est immuable ou éternel, et pour l’atteindre, nous menons une vie matérielle et spirituelle propice à l’évolution. 

  1. LE RENONCEMENT OU VAIRAGYA

La deuxième des quatre sadhanas, l’état de vairagya, peut aussi être provoqué par certaines situations. Par exemple, lorsque nous sommes las des biens de ce monde après en avoir profité tout notre content, nous commençons parfois à ressentir de la répulsion pour eux. Dans ce cas, notre attention se tourne naturellement vers un idéal plus noble et nous nous éveillons quelque peu à la pensée du Divin. Ou alors, si nous avons été profondément blessé par la traîtrise et la perfidie des choses du monde, nous en sommes dégoûté et éprouvons de l’aversion pour elles. Nous développons aussi des sentiments d’insatisfaction et de détachement lorsque nous perdons un être cher. Mais l’état de vairagya créé dans ces conditions est rarement authentique ou durable. Il disparaît rapidement lorsque les circonstances défavorables se transforment.

Le sentiment de vairagya déclenché par une cause soudaine est donc de courte durée et varie selon les circonstances. En effet, si un choc imprévu peut le susciter temporairement, il ne résiste pas aux germes des désirs et des plaisirs profondément enfouis dans le cœur, qui peuvent surgir dès que les circonstances s’y prêtent. Le renoncement équivaut en réalité au non-attachement aux choses matérielles et non à l’absence de leur possession.

Le sentiment de vairagya dans le vrai sens du terme et avec un effet durable ne peut se développer qu’après un nettoyage approfondi et une modération bien comprise. En étudiant de près ce sujet, on voit qu’en réalité viveka et vairagya ne sont pas des moyens, une sadhana, mais seulement le résultat de certains moyens. À vrai dire, viveka ne se développe jamais tant que les sens ne sont pas complètement purifiés. Cela ne se produit que lorsque le mental est correctement régulé et discipliné et que l’ego ou ahankar est purifié. Viveka est donc le résultat de pratiques poursuivies dans ce but. De même vairagya, la deuxième sadhana, est le résultat de viveka. Il s’agit donc d’étapes préliminaires du yoga et non de sadhanas ou de moyens d’atteindre ces étapes.

Viveka, comme vairagya, est un état d’esprit qui se développe à différents stades par la pratique constante de certains moyens yogiques, tels que le souvenir, la dévotion, l’amour, etc. Dans le système de Raja Yoga du Sahaj Marg, on ne pratique pas viveka et vairagya en tant que sadhanas, on les laisse de côté en considérant qu’ils se développent automatiquement au cours de la progression de l’aspirant. On commence à partir de la troisième sadhana qui comprend six formes de réalisations spirituelles nommées shat-sampatti. La première – sham – concerne la paix de l’esprit, une condition qui apporte un état de calme et de tranquillité. Quand on pratique sham, viveka et vairagya s’ensuivent automatiquement.

À mon avis, pratiquer vairagya dans le sens de la non existence des choses est un processus très difficile, car l’aspirant doit adopter une attitude négative, rejetant ou écartant tout ce qui se présente à lui. Mais s’il adopte une attitude positive envers la seule chose qu’il considère comme réelle et s’y tient sans réserve, les autres choses passeront tout naturellement à l’arrière-plan. Peu à peu, vous, l’aspirant, les oublierez, l’attachement que vous aviez pour elles disparaîtra et vous obtiendrez très facilement vairagya. L’objectif principal du yoga est donc de réguler correctement le mental qui est toujours agité. Le mental produit de nombreuses idées et pensées, stimule les sens et les facultés et met le corps en mouvement. Tout le bien ou le mal proviennent du mental et c’est lui seul qui gouverne tous nos sentiments, nos émotions et nos impulsions.

      3. LES SHAT-SAMPATTI : SHAM, DAM, UPARATI, TITIKSHA, SHRADDHA, SAMADHANA

             3.1 Sham, le façonnement du mental et dam, le contrôle des sens

Dans le système de raja-yoga du Sahaj Marg, la pratique commence avec sham, le premier des six sampattis de la troisième sadhana. Nous consacrons toute notre attention à façonner et à réguler correctement le mental. Il est facile d’y parvenir à l’aide du pouvoir transmis par un enseignant qualifié.

Dam, le contrôle des sens, s’ensuit automatiquement lorsqu’on fixe son mental sur une seule chose, qui est la réalité, en ignorant toutes les autres.

La plupart des aspirants au yoga procèdent de cette façon, mais certains tentent d’approcher sham par la pratique de karma, l’action, et d’autres par celle de bhakti, la dévotion. D’autres laissent de côté ces deux derniers pour progresser au moyen de jnaana, la connaissance.

En fait, les étapes de karma, upasana et jnaana ne diffèrent pas, elles sont étroitement liées et coexistent dans un seul et même état. Par exemple, dans upasana, la régulation du mental est karma, l’état régulé du mental est upasana et en avoir conscience est jnaana. Dans jnaana, le processus de penser est karma, fixer sa pensée sur l’objet est upasana et l’état qui en résulte est jnaana. Dans karma, la décision d’accomplir une action est karma, sa mise en pratique est upasana et la conscience de l’avoir fait est jnaana.

Dans le système de formation du Sahaj Marg, sham et dam sont donc pris ensemble et cela crée automatiquement les états de viveka et vairagya dans leur vrai sens. Une pratique ne sert à rien si elle n’aboutit pas de façon naturelle à viveka et vairagya. Dans la vraie forme de viveka, l’aspirant commence à prendre conscience de ses défauts et de ses insuffisances et ressent une profonde repentance dans son cœur.

Nous avons à présent traité des deux premiers sampattis.

             3.2 Uparati ou repli sur soi

Nous en venons à présent au troisième sampatti appelé uparati, qui signifie repli sur soi. Dans cet état, l’être est libéré de tous les désirs, même de ceux qui concernent l’autre monde. Il n’est plus séduit ni attiré par quoi que ce soit dans ce monde. Son mental est centré en permanence sur une seule chose – le réel. Cet état diffère de celui de vairagya dans le sens où vairagya crée un sentiment d’aversion pour les choses matérielles, alors qu’uparati est un état duquel l’attirance et la répulsion sont toutes deux absentes. En fait, vairagya est la forme incomplète de cet état plus noble et plus élevé. À ce stade, le mental et les sens de l’aspirant au yoga, les indriyas de jnaana et de karma, sont complètement purifiés. Nous commençons à être las de toutes les choses extérieures et nous nous en détournons, considérant qu’elles ne valent pas qu’on leur accorde la moindre attention. Nous sommes libre des effets de l’attachement au monde. Même les consolations du « paradis » n’ont plus aucun charme et nous ne ressentons pas non plus la moindre attirance pour le salut, la libération ou d’autres idéaux plus élevés.

            3.3 Titiksha ou force d’âme 

À ce stade, l’aspirant est parfaitement satisfait de ce qui lui est alloué par Dieu et n’a aucun sentiment de blessure, d’affront, de condamnation ou d’approbation.

            3.4 Shraddha ou foi

Le cinquième sampatti est shraddha ou la foi – une réalisation de très haut niveau et très différente du stade préliminaire de la foi artificielle, qui se forme, se perd et se retrouve à de nombreuses reprises pour diverses raisons. La vraie foi est réellement une vertu indicible, qui est au-delà du champ de la religion ; c’est le courage indomptable qui conduit l’aspirant au succès ; c’est cette force omniprésente qui aplanit le chemin ; c’est en réalité la seule chose qui résout le problème de la vie.

           3.5 Samadhan ou enracinement du soi

Le dernier des shat-sampattis est samadhan, un état d’enracinement du soi dont on n’a même pas conscience. À ce stade, l’aspirant au yoga est parfaitement consacré au Divin et n’a aucune autre pensée.

Nous avons donc traité des différentes étapes de la troisième pratique (sadhana).

  1. MUMUKSHU

Nous en venons à présent à la dernière des quatre sadhanas (pratiques) que l’on appelle mumukshu. Il reste peu à accomplir lorsqu’un aspirant arrive à ce stade, si ce n’est développer une association étroite avec la réalité absolue ou fusionner véritablement dans l’état de non-entité. C’est la phase pratique de la réalisation que l’on pouvait atteindre après une pratique assidue des sadhanas élémentaires de l’ancien système de yoga.

LE SAHAJ MARG, LE ZENITH DU YOGA

Le système moderne du Sahaj Marg s’écarte de l’ancienne voie en ne prenant pas séparément, l’une après l’autre, les différentes étapes de l’ashtanga-yoga. Dans le système du Sahaj Marg, on aborde simultanément asana, pranayama, dharana, dhyana et samadhi pendant la méditation ou dhyana. En temps voulu, la méditation conduit l’aspirant à la concentration ou à l’état de samadhi. L’aspirant progresse donc naturellement vers le samadhi, qui est l’étape finale du yoga. C’est ainsi que s’enrichit l’âme – le corps causal ou kaaran-sharir. Le samadhi le plus élevé est accessible lorsque la transmission yogique guide notre conscience pendant la méditation. Chacun peut vérifier les résultats de la méditation avec transmission yogique en les comparant à ceux de la méditation sans cette transmission. Nous avons des milliers de formateurs dans le monde entier, dans plus de cent dix pays. Ils peuvent offrir leurs services directement ou à distance.

Vous pouvez vérifier s’il existe un formateur dans votre ville en consultant le site internet ou en envoyant un e-mail à info@heartfulness.org.

Vous pouvez également aller sur le site Heartfulness pour plus d’information.

LES TROIS ÉTAPES DE LA CONCENTRATION

Il existe trois formes de samadhi ou étapes de la concentration. Dans la première, la personne se sent perdue et noyée. Ses sens, ses sentiments et ses émotions sont momentanément suspendus de sorte qu’elle semble morte. Elle semble être dans un sommeil de mort, inconsciente de tout.

La deuxième forme est celle dans laquelle la personne est intensément concentrée sur un point et pourtant ne s’y sent pas vraiment immergée. On peut décrire cela comme un état de conscience dans un état d’inconscience. La personne n’est apparemment consciente de rien, mais la conscience est encore présente en elle, bien que vaguement. Un homme marche sur une route, perdu dans une réflexion profonde sur un problème. Il est tellement absorbé qu’il est inconscient de tout le reste, ne voit rien sur son chemin et n’entend pas les bruits environnants. Il avance, dans un état d’esprit inconscient, et pourtant il ne heurte pas l’arbre situé au bord de la route et ne se fait pas renverser par la voiture qui passe. Dans cet état d’inconscience, il fait ce qui est nécessaire sans s’en rendre compte et s’adapte aux circonstances. Il n’est pas conscient de ses actes. Dans cet état d’esprit, la conscience des autres choses semble être en sommeil et crée peu d’impressions.

La troisième forme est le sahaj-samadhi. Il s’agit de la forme la plus subtile de la concentration. Dans cet état, l’homme s’occupe de son travail et y absorbe son esprit, mais au plus profond de son cœur il reste toujours fixé sur la chose réelle. Son esprit conscient est occupé par le travail extérieur, alors qu’en même temps son esprit subconscient est occupé par les pensées divines. Il est en permanence en état de samadhi, bien qu’apparemment occupé par un travail matériel. Il s’agit de la forme la plus élevée de samadhi et il reste peu à faire à la personne qui est entrée dans cet état et y demeure en permanence.

Parvenu à cette étape, on réalise l’état suprême que les anciens textes et le Seigneur Krishna ont tellement célébré : avec le yoga toutes nos actions deviennent efficaces – YOGAHA KARMASHU KAUSHALAM !

Kamlesh D. Patel
le 21 juin 2016