Ce matin, Théophile le Jeune paraît préoccupé :
– Je trouve les relations humaines compliquées. Dans l’amitié par exemple, il y a parfois un bel élan et ensuite la relation se délite avec le temps.
Théophile l’Ancien le regarde attentivement :
– Je préférerais une autre approche si tu le veux bien. Parlons d’une relation vraie, authentique et sincère. Comment l’envisages-tu ?
– Je la vois dans une bienveillance réciproque afin que chacun puisse s’épanouir, idéalement, comme le don spontané de soi.
– Et dans la réalité, comment la vois-tu ?
– Eh bien ! je pense qu’on attend toujours quelque chose de l’ami et tôt ou tard il y a une déception, c’est pour cela que je parlais de don, de générosité.
– En fait ce qui fait souffrir c’est la désillusion.
La désillusion vient du monde de maya qui est régi par le point cinq comme je te l’ai déjà expliqué. Tant que les quatre premiers points ne sont pas nettoyés, celui de l’illusion ne peut pas retrouver sa condition originelle ; donc nous restons sous l’emprise de nos impressions.
– Ces impressions et ces complexités sont les fameux samskaras dont parlent les enseignements du Sahaj Marg ?, demande Théophile le Jeune.
– Tout à fait, ce sont eux qui alimentent nos complexités intérieures et qui brouillent notre vision de la réalité. Avant d’établir une relation vraie, amicale avec une personne, il nous faut d’abord être vrai avec nous-même.
Les taoïstes s’appelaient aussi les « êtres authentiques ». Ils pratiquaient le tao et la vertu. Ils étaient libres de toutes les influences, qu’elles soient extérieures ou intérieures. Ils vaquaient à leurs occupations quotidiennes, portés par le Souffle Primordial. Ils étaient en équilibre.
Théophile le Jeune un peu agacé :
– Tu m’as dit qu’il fallait sept ans pour traverser la région du cœur, de la manifestation. C’est long avant de retrouver la condition originelle de chaque point de la région du cœur.
Théophile l’Ancien reprend calmement :
– Je t’ai aussi dit que le souvenir constant était une autre clef. Il permet d’être dans le présent et d’agir en toute liberté, ici et maintenant.
– Mais quel est cet instant présent dont tout le monde parle ? J’ai lu un livre d’Eckhart Tolle sur le moment présent, mais est-ce le même pour toi ?, demande le jeune homme.
– Pas tout à fait, l’instant du cœur est à la fois dans le temps et hors du temps. En fait tu vis dans le temps, mais ta conscience est hors du temps.
– Tu dis que c’est la solution, mais cela me paraît inaccessible.
– Une fois de plus, le cœur est la clé : la dimension cosmique est le deuxième niveau de profondeur du cœur, il contient tout ce dont nous avons besoin. Le passage des points correspond à des dimensions du cœur qui s’ouvrent à ta conscience.
– Et en pratique comment faire ?
– Prépare-toi.
Ferme doucement les yeux.
Contemple le symbole de l’homme spirituel, dans ton cœur.
Plonge et vise le point de lumière qui est au centre du symbole.
Immerge-toi un long moment en lui.
Maintenant, remonte lentement des profondeurs.
Fais une pose au centre de la deuxième étoile. C’est celle de la région cosmique qui est à l’origine de notre manifestation. Ses cinq points vibrent à l’unisson.
Ta conscience est vaste, englobante comme si elle était à 360°.
Ton mental est suspendu, comme s’il était hors du temps.
Reste là et ouvre les yeux.
Prends conscience de ce qui t’entoure, des choses, des êtres.
Comment les perçois-tu ?
– C’est difficile à dire. Mon mental est paisible. Il s’alimente de silence, autour de moi tout est plus profond. Je suis relié, mais détaché. De mon cœur émane bonté et bienveillance pour tout ce qui m’entoure. Chacun est à sa juste place. Je suis serein. C’est l’harmonie.
– Tu vois, c’est accessible.
– Oui, mais tu m’as aidé.
– Je t’ai accompagné. C’est en toi, tu l’avais simplement oublié.
– Comment rester en permanence dans cet état d’être ?
– C’est un travail de vigilance permanente. La difficulté est « d’être dans la région cosmique et de vivre ici bas ». Il y a ce que j’appelle « l’attraction terrestre » et ses effets. Tant que nous ne serons pas établis en permanence et naturellement au centre de la deuxième étoile, il nous faudra lutter contre la gravité terrestre.
– C’est un challenge intéressant. Je vois désormais la pratique sous un autre angle. Cela devient motivant et accessible. En fait le Sahaj Marg n’est pas seulement une quête spirituelle, c’est aussi un art de vivre ?
– Babuji disait tout le temps que nous sommes comme un oiseau qui a besoin de ses deux ailes pour voler : l’aile matérielle et l’aile spirituelle. Si l’une est trop lourde, l’oiseau tourne en rond. Kamlesh Bhai a ajouté que la queue de l’oiseau lui permet aussi de maintenir le cap vers le but.
Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune