Théo. – Vais-je devoir pratiquer la méditation, le nettoyage, la prière et le souvenir constant toute ma vie ?

– Tu commences à peine et tu veux déjà arrêter ? plaisante l’Ancien.

Théo. – J’aime la pratique et surtout ce qu’elle m’apporte d’unique, mais je me pose la question quant à la finalité de la pratique qui est de s’unir, de fusionner avec l’Ultime et de devenir Amour.

L’Ancien. – Tu n’auras plus besoin de ta pratique quand celle-ci sera permanente en toi, lorsque tu seras en état de prière permanente, de méditation permanente et qu’aucune complexité ne pourra impressionner tes corps subtils.

– Autant dire que je vais pratiquer toute ma vie ! s’exclame Théo.

L’Ancien. – Pratiquer c’est un peu comme se nourrir trois fois par jour, se doucher, dormir, etc. Ce que nous faisons est naturel. Nous fonctionnons dans l’équilibre et la modération. C’est la marque des saints.

Théo. – Je croyais que c’était être en permanence dans la Présence ?

L’ancien est très satisfait de son élève. Il vient de toucher quelque chose d’essentiel. Il garde le silence, encourageant ainsi son jeune ami à aller plus avant dans sa réflexion.

Théo. – Je vois, ton silence m’indique que je dois trouver la réponse en moi-même n’est-ce pas ?

Théophile le Jeune ferme alors les yeux pour se mettre en contact avec son maître intérieur. Il sent la douce transmission de l’Ancien qui l’accompagne subtilement. Tout d’un coup la réponse intuitive jaillit dans son esprit.

Il ouvre les yeux et dit :
– J’ai abordé la question sous le mauvais angle ou plutôt, ce n’était tout simplement pas la bonne question.

L’Ancien. – Ta question entraînait automatiquement ma réponse.

Théo. – Ma voix intérieure m’a dit que la pratique ne résout pas le problème de l’âme incarnée qui aspire à s’unir totalement au Divin.

– Poursuis ton approche, l’encourage l’Ancien.

Théo. – Le sommet de la pratique me permettra d’être dans la Présence en permanence, mais ce n’est qu’une étape. En fait, je dois devenir la Présence. Ce n’est plus l’Union, mais la Fusion. Mais quand je « deviendrai » l’Ultime, il n’y aura plus de « je » pour le savoir ?

L’Ancien. – Quelle importance ? Poursuis ton approche en partant de la finalité de ta démarche spirituelle.

Le Jeune ferme à nouveau les yeux et se projette dans le futur, se visualisant comme ayant réalisé le But ultime. Il dit :
– Je suis semblable à Dieu. Ma condition est … « rien ». Ce Rien est Pureté, Simplicité. L’ego qui sert ma personne est subjugué par l’Amour. Mon être entier est porté par le souffle divin. Il agit en harmonie avec la volonté divine. Cette condition magnifique me comble. Comment y arriver au plus vite ?

L’Ancien. – Comme disait Babuji : « Tu vas devenir ce que tu es. »

Théo. – Oui, mais quand ?

L’Ancien. – C’est une question d’intégration. La condition divine a toujours été présente dans le centre de notre être, mais nous l’avons partiellement oubliée, ignorée, parfois même rejetée, pour construire notre propre création. Nous avons utilisé notre libre arbitre pour faire ce que nous désirions. Nous avons ainsi construit notre propre royaume et la souffrance qui s’y rattache. L’état dans lequel nous avons mis notre si belle Terre et ses habitants en est le triste résultat. Nous devrions laisser le Divin agir en nous pour qu’Il regagne librement son royaume. Le moi doit se retirer volontairement, par amour, pour Lui laisser la place, toute la place. Malheureusement certains craignent ce renoncement du moi, ils l’envisagent comme une forme de soumission, voire de mort de l’ego et lui préfèrent tous les plaisirs dits « de la vie ».

Théo. – Quelle erreur ! C’est exactement le contraire ! Je n’ai jamais été aussi vivant, aussi joyeux, que dans cette expérience ! Pourquoi ne pas y accéder tout de suite ?

L’Ancien. – Si nous allions trop vite ce ne serait pas naturel et vite insupportable : il faut neuf mois pour qu’un bébé se construise à partir de deux cellules, dans le ventre de sa mère, et plus de vingt ans pour qu’il devienne adulte. Il en va de même pour la divinisation de l’âme.

Théo. – Tu veux dire qu’il n’est pas possible, ni souhaitable, de faire passer un petit enfant de la maternelle à la fac, aussi doué soit-il ?

L’Ancien. – Comme pour les neuf mois de la gestation du bébé, il y a des lois naturelles et spirituelles à respecter dans la croissance et la maturité spirituelles. Lorsque l’âme s’incarne c’est déjà une épreuve. Elle meurt à son monde de lumière pour naître dans le nôtre. La naissance est une véritable initiation tant pour la mère que pour l’enfant.

– Je vois que tu es encore sous l’influence des échanges avec Eléa, plaisante le jeune homme.

– Probablement, sourit le vieil homme en se rappelant la douceur de l’entretien qu’il avait eu avec la jeune maman.

Il reprend :
– Quand le bébé flotte au sein du liquide amniotique dans le ventre de sa mère, il est en état de fusion avec elle, comme l’âme l’était avec Dieu avant la Création. De même, la mère est tout pour le fœtus durant sa vie aquatique : tout ce qu’il vit passe par elle, elle est son univers et elle le nourrit à tout niveau.

Théo. – Tu veux dire que cet état fusionnel est aussi une programmation de ce que nous devons accomplir en tant qu’âme pendant cette incarnation ?

L’Ancien. – Oui, il y a de nombreuses analogies avec la mère. Avant l’éveil spirituel, il y a une aspiration de l’âme et sa préparation. Le cœur est considéré comme « yoni » ou « utérus ». Le moment venu il est fécondé par le Divin et l’enfant spirituel commence à grandir en nous, jusqu’à ce qu’il devienne adulte, puis semblable à Dieu.

Théo. – Je vois l’analogie et élever un enfant n’est pas si facile, une véritable aventure !

L’Ancien. – Cela demande beaucoup d’amour et de patience. La croissance spirituelle, elle, n’est jamais automatique. Elle doit être volontaire. Bien souvent l’âme musarde ou s’arrête en chemin. C’est pour cela que son évolution prend des milliers d’années.

– C’est trop long ! soupire Théophile le jeune.

L’Ancien. – Rassure-toi, chacun peut y arriver au cours de cette vie. Babuji parlait de « la verticale », l’aide d’un guide spirituel est alors indispensable.

Théo. – Si j’ai bien compris, le chemin spirituel représenté par le symbole ésotérique est une forme de carte qui marque les étapes de notre croissance spirituelle, de notre maturité. Nous commençons par être comme de jeunes enfants, puis de jeunes adultes et lorsque notre âme passe l’étape de la libération, elle peut être considérée comme parfaitement adulte. Elle va ensuite réaliser l’étape de l’Union avec Dieu. C’est ce que tu m’as fait vivre lors de mon initiation, mais je ne sais pas ce qui se passe après.

A suivre…

Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune