Théo. – J’ai beaucoup entendu parler de la pensée positive utilisée comme un mode d’attraction afin d’obtenir tout ce que l’on désire dans la vie. Quel lien fais-tu avec la psychologie positive ?

L’Ancien. – Je commencerai par la pensée positive. La loi d’attraction a été détournée par les humains. L’attraction était liée à l’Amour. Tout peut être fait à partir de l’Amour, mais l’on ne commande pas à l’Amour. La force d’Amour va là où elle doit aller et non là où l’individu le désire. Nous ouvrons des espaces pour l’accueillir. L’Amour vient ou ne vient pas. En aucun cas, l’Amour ne peut être manipulé. Nous en avons déjà beaucoup parlé (Amour et méditation).

Théo. – Alors comment les personnes peuvent-elles obtenir ce qu’elles désirent ?

L’Ancien. – Parce qu’elles utilisent la force-pensée qui est une énergie puissante. Elle est liée au pouvoir créateur et à la volonté.

Théo. – Que dire alors de la pensée positive ?

L’Ancien. – Elle est encore plus puissante, car elle balaie tous les obstacles qui se dressent face à l’individu, pour la réalisation du but qu’il s’est fixé (cf. La prière, surtout La prière-sankalpa). La question est que voulons-nous accomplir durant notre vie terrestre ?

– Nous voulons réaliser l’Ultime, bien sûr. J’ai bien aussi quelques intérêts subsidiaires pour agrémenter ma vie. Tu sais la vie, celle de tous les jours, plaisante Théo.

– Tu sais, moi aussi je connais la vie. Je suis un grand-père pourvu d’une famille, réplique l’Ancien en souriant. Puis il poursuit : Le problème se pose lorsque cette loi d’attraction est utilisée à des fins matérielles ou égocentriques. Les égarements des Atlantes en sont une illustration et une bonne leçon pour l’humanité. Que voulons-nous obtenir ? Mais surtout, qu’allons-nous réellement obtenir et quelles en seront les conséquences ? Est-ce réellement pour notre bien ? Et qu’est-ce que notre Bien ?

Théo. – Ton propos me fait aussi penser au pacte passé entre Faust et Méphistophélès.

L’Ancien. – Oui, mais en fin de compte, Faust a gagné. Il a vaincu son démon intérieur ; cependant ce cas est très rare. Il faut de nombreuses existences pour sortir de ce cycle infernal. Une leçon spirituelle peut prendre de nombreuses existences pour que l’âme la comprenne. Je connais l’histoire d’une âme qui a mis près de quatre mille ans pour dépasser la tendance de la colère et de la violence.

Théo. – J’ai toujours du mal avec le libre arbitre et notre liberté absolue face à Dieu.

L’Ancien. – C’est la loi de l’Amour. L’Amour ne saurait contraindre. Il est là en permanence pourvu que nous lui ouvrions notre cœur.

Théo. – Un cœur purifié ?

L’Ancien. – Un cœur, purifié, attire l’amour et la lumière.
Pour cela il faudra dépasser la région du cœur, celle de la manifestation et avoir nettoyé les tendances liées aux cinq éléments. Sinon ces tendances peuvent nous égarer au cours de notre quête. Par exemple les gens croient qu’ils accéderont au bonheur s’ils deviennent riches.

– Cela paraît crédible, l’interrompt Théo.

L’Ancien. – Oui, et certains peuvent obtenir ce qu’ils désirent, comme devenir riches, mais le bonheur, la paix, la sérénité ne s’achètent pas. Ces états se conquièrent intérieurement avant de pouvoir se manifester dans la vie de tous les jours. Le bien-être est avant tout un état intérieur.

Théo. – Peut-être, mais si l’argent ne fait pas le bonheur, il y contribue tout de même.

L’Ancien. – Je ne le nie pas, mais après une étude réalisée sur des dizaines de milliers de personnes pendant vingt-cinq ans, les chercheurs sont arrivés à cette conclusion : « A moins que nous ne puissions satisfaire nos besoins de base, l’argent ne contribue que faiblement au bonheur. Le confort matériel n’est pas déterminant… Selon notre étude, l’augmentation soudaine et significative d’argent apporte bien un accroissement du bonheur et de grandes joies, mais ce bénéfice ne dure pas. Au contraire, le plaisir pour les petites choses diminue. » Intéressant, non ?

Théo. – Donc, obtenir ce que nous désirons ne nous épanouit pas forcément !

L’Ancien. – Tout dépend si tu es en accord avec toi-même et ta propre destinée. C’est la raison pour laquelle en ésotérisme, l’Amour est associé à la sagesse.

Théo. – Et c’est notre cœur qui nous guide …

L’Ancien. – Comme toujours …

Théo. – Mais le bonheur affectif joue aussi un rôle important dans la vie, n’est-ce pas ? La vie de famille, le couple, occupent un rôle central. Dans ce cadre comment utiliser la pensée positive ?

L’Ancien. – Des études ont montré qu’il ne suffisait pas de penser positivement, mais qu’il fallait faire beaucoup d’efforts et agir positivement afin de maintenir avec son conjoint un lien de qualité.

Théo. – Pratiquement, que faut-il faire ?

L’Ancien. – Par exemple, lui dire trois fois plus de choses positives que négatives par jour. Après un certain nombre d’années de mariage, nous disons plus souvent ce qui ne va pas que ce qui va. Tout ce qui est positif semble normal. Les échanges ne portent plus que sur ce qui est négatif, les belles choses restant dans l’ombre.

Théo. – Je saisis mieux le lien entre bonheur et pensée positive !

L’Ancien. – Ces mêmes études démontrent également que ni la perte de kilos, ni l’argent, ni même le mariage et les enfants n’apportent un bonheur complet. Tout cela ne nous satisfait pas totalement. Par contre, on s’est aperçu que les victimes d’accidents et de maladies graves semblent heureuses parce qu’elles ont eu accès à une autre dimension d’elles-mêmes. Elles se rapprochent de leur famille et sont capables de voir ce qui est beau et essentiel dans la vie. Ayant été confrontées aux questions fondamentales de la vie, elles ont cherché les réponses en elles et cette expérience les a profondément transformées.

Théo. – Mais alors quelle place reste-t-il au plaisir dans notre vie ?

L’Ancien. – Nous savons, en spiritualité, que la recherche du plaisir attire son opposé, la souffrance.

Théo. – Et que dit la psychologie positive ?

L’Ancien. – Que le plaisir s’atténue avec le temps et que la recherche de la satisfaction demande toujours plus de satisfactions. C’est un cercle vicieux. Il y a toujours plus de désirs à satisfaire.

Théo. – Cette définition me fait penser à l’addiction et sa recherche permanente et insatisfaisante de dopamine. Ce constat est bien beau mais quelles sont les conclusions … positives ?

L’Ancien. – Considérons le bonheur comme une dynamique qui a ses hauts et ses bas, plus comme un état d’esprit qu’une destination. Ce qui compte, c’est la manière d’agir plus que le résultat.

Théo. – On dirait un aphorisme énoncé par le Seigneur Krishna dans la Bhagavad-Gîta.

L’Ancien. – Tout est une question d’octaves des lois universelles : nous résonnons en chants harmoniques à partir du Verbe primordial. Chaque plan a sa note spécifique qui peut vibrer et produire une musique céleste.

Théo. – Peux-tu m’expliquer plus concrètement ?

L’Ancien. – Prenons l’exemple de la gratitude qui reconnaît les bienfaits de la vie, c’est l’une des clefs.

– C’est un état esprit ? le coupe Théo.

L’Ancien. – … et un comportement qui crée spontanément du bonheur et de la joie autour de soi, en soi. J’en ai fait la première véritable expérience avec Babuji : nous avions passé trois semaines auprès de lui avec mon épouse. Nous avions parcouru les trois kilomètres qui séparaient sa demeure de l’ashram où nous résidions, avec pour seule idée, le remercier de tout ce qu’il nous avait donné spirituellement. (Nous partions par le train de nuit de Shahjahanpur pour Delhi.) Il a été très heureux de nous voir, comme s’il nous retrouvait pour la toute première fois. Il m’a demandé : « Voulez-vous une méditation ? » J’ai répondu naïf : « Ce n’est pas nécessaire. Vous nous avez comblés. Vous nous avez tant donné ! Nous venons juste pour vous remercier… » Babuji rétorqua : « Asseyez-vous quand même. »

Théo. – Et que s’est-il passé ?

L’Ancien. – J »ai reçu la méditation qui a totalement changé le cours de ma vie spirituelle, ce fut une révélation. J’ai découvert quelque chose que je ne connaissais pas et que j’ai reconnu intimement, l’Amour sublime.

Théo, un peu impressionné par son ami-mentor qui ne lui parle que d’amour, insiste :
– Comment relies-tu la gratitude à l’Amour ?

L’Ancien. – J’étais tellement éperdu de reconnaissance, tourné entièrement vers lui, que pour la première fois de ma vie, je ne devais pas être présent. Jusqu’ici il m’avait donné tout ce que je voulais spirituellement et, ce jour-là, il a enfin pu me donner ce que lui voulait me donner.

Théo. – En quelque sorte, tu lui avais donné la permission.

L’Ancien. – En quelque sorte, oui. La gratitude a été une manière de s’oublier par un acte positif.

Théo. – Tu as créé un vide ?

L’Ancien. – Il s’est créé tout seul ou avec son aide, et la Grâce s’est déversée.

Théo. – Tu as coopéré sans le savoir.

L’Ancien souriant :
– Mon cœur, lui, devait le savoir. Je le soupçonne d’avoir été complice avec Babuji. Tu vois, l’attention va là où nous l’orientons et elle en reçoit l’énergie.

Théo. – Et depuis, tu vises l’Amour encore et encore !

L’Ancien. – Et encore … je ne me suis toujours pas remis de cette fabuleuse méditation.

Théo. – Et ta gratitude est toujours intacte, active ?

L’Ancien. – Comme au premier jour ; elle m’a fait toucher l’Infini.
D’ailleurs la psychologie positive dit : « La gratitude fait du bien à celui qui l’éprouve et également à celui qui la reçoit. » Pour ma part, je préfère remercier, plutôt que demander comme le font ceux qui utilisent la loi d’attraction.

Théo. – Tu es plus dans : « Que ta volonté soit faite. » alors.

L’Ancien. – C’est cela.

Théo. – Nous avons parlé de la gratitude comme une clé du bonheur. Que penses tu de la générosité, elle aussi orientée sur autrui n’est-ce pas ?

L’Ancien. – Toujours dans l’étude citée précédemment, les chercheurs ont aussi conclu : « Celui qui contribue au plus grand bien d’autrui en tire un grand bénéfice. »
Oh, combien c’est vrai ! Le don, le service, n’attendent pas de récompense. Ils sont la récompense en eux-mêmes. Comment garder pour soi ce qui nous a été si généreusement offert ? En psychologie positive il existe un slogan qui dit : « Donnez pour être heureux. » Nous pourrions ajouter tout simplement : « Donnez pour être. »

Théo. – Je t’ai entendu dire à des pratiquants de la méditation du cœur : « Si, en méditant sur le cœur, vous ne trouvez pas l’humanité, c’est que vous n’avez pas encore plongé assez profondément. »

L’Ancien. – Que veux-tu, c’est l’Amour ! Plus tu le laisses passer, plus il te submerge. L’Amour se donne. On ne peut le garder pour soi.

Théo. – Avec toi, Babuji a amorcé la pompe à amour dans les années soixante-dix et elle ne s’est jamais désamorcée !

L’Ancien. – L’Amour est Sien. L’Amour ne dépend pas de soi, c’est cela le secret. J’ai toujours été un pauvre en Amour ; alors, je n’ai pas eu le choix. Il ne me restait que l’Amour infini de Babuji.

Théo. – Comment arriver à cet Amour-là ?

L’Ancien. – Etre le moins possible là, Lui laisser la place.

Théo. – Qui Lui ?

L’Ancien. – Eh bien, Lui, le Divin, l’omniprésent !

Théo. – S’il est omniprésent, il était donc déjà dans ton cœur ?

L’Ancien. – Babuji a ouvert la porte et l’a délivré. Il a été la clef.

Théo. – Là, je comprends mieux ce dicton : « Dieu s’est caché au fond du cœur de l’homme et en a confié la clef au Guru. » Est-ce que cela s’est produit en une seule fois, totalement ?

L’Ancien. – Oh, que non ! Il m’a fallu attendre près d’une année avant de retrouver cette même vibration. Mon cœur se languissait. Je n’en revenais pas. Je ne me suis jamais considéré comme un émotif ou un dévot. Que m’arrivait-il ? N’avais-je pas opté pour la voie de la connaissance depuis bien longtemps ? Mais là, l’Amour m’avait cueilli, c’était tout.

Théo. – As-tu éprouvé des résistances ?

L’Ancien. – Dans ce domaine, je ne savais pas résister. C’était hors de mes capacités. Je ne commandais pas à mon cœur. Il a simplement pris le dessus.

Théo. – Et ensuite ?

L’Ancien. – Une lente et inexorable transformation s’est accomplie, accompagnée par Hélène, la complice de toujours de Babuji et Parthasarathi à qui il avait confié mon éducation spirituelle. Ce dernier disait : « Autant Babuji est un Maître de l’Amour, autant j’en suis un de l’ego. » et il me l’a prouvé. Un jour que nous étions à l’ashram de Satkhol, dans l’Himalaya, mon guide m’a demandé : « De quoi pouvez-vous parler tous les jeudis avec Hélène ? » Je lui ai répondu : « De l’Amour, uniquement de l’Amour. » Il s’est tu et m’a définitivement fait passer dans l’autre dimension, celle de l’Amour Ultime.

Théo. – Et là, tu es arrivé ?

L’Ancien. – Et là, tout a commencé.

Théo. – Etait-ce le début ou la fin ?

L’Ancien. – Dans l’Amour il n’y a ni début, ni fin, ni haut, ni bas, ni inférieur, ni supérieur, ni intérieur, ni extérieur…il y a …

Théo. – L’Amour.

Théophile l’Ancien
Extrait de Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune