« Mais vous ne pourrez récolter des perles
que si vous plongez profondément dans l’Océan. »

Ram Chandra

 

– Hier j’ai pris conscience de la vanité de certaines de mes actions, de mon insignifiance. J’ai réalisé ma petitesse et cette bouffée d’humilité m’a fait du bien.
La goutte d’eau est heureuse d’appartenir à l’Océan, dit Théophile le Jeune.

– La goutte d’eau contient tout l’Océan. Elle se limite en pensant qu’elle est une goutte d’eau, en agissant comme une goutte d’eau ; mais elle est l’Océan, tout l’Océan, répond Théophile l’Ancien.

– Comment agir concrètement ?
Je suis une goutte d’eau qui a ses propres caractéristiques, une destinée. Elle est en devenir comme toutes les gouttes d’eau d’ailleurs.

– Se considérer comme une goutte d’eau retire toute spécificité. La goutte, comme identité, se tourne vers l’Océan. Elle ne voit aucune différence entre elle et l’Océan. Toutes deux sont constituées de molécules d’eau.
L’Océan est lui même absolu. Il est en lui même, immuable. Lorsqu’il est en contact avec la goutte d’eau, il se voit lui même. Lorsqu’il est en contact avec une substance, ses molécules s’organisent autour de cette substance pour manifester sa signature, mais l’Océan reste lui-même différencié et indifférencié, l’eau et l’Océan.
L’eau dans un récipient est toujours de l’eau. Le récipient dans l’Océan a de l’eau en lui, autour de lui. L’Océan épouse sa forme intérieure et extérieure, mais fondamentalement l’extérieur et l’intérieur restent de l’eau. Lorsqu’on retire le récipient de l’Océan, l’Océan garde sa mémoire. Il garde toutes les mémoires, c’est ce qu’on appelle les archives akashiques. Toutes les informations sont stockées dans l’Océan mais il reste inchangé, lui-même, sans mémoire aucune.
L’Océan reflète tout ce qui existe. Il a agencé ses propres molécules pour donner vie à tout ce qui existe. Tout est en lui mais dans sa forme essentielle, puis dans son identité subtile.

– Je suis la goutte mais je suis aussi celui qui tient le stylo et qui écrit sous votre dictée ?

– La goutte se manifeste, en se diversifiant, elle s’incarne et donne ce que tu es à présent.

– Peut-on dire que la goutte c’est l’âme ?

– C’est « l’âme-Océan », puis c’est l’identité qui se fait et se défait au gré de l’Océan.
C’est l’expression première du créateur. La suite est une série de densifications qui a sa propre autonomie, sa propre vie et génère ses propres activités.

– On pourrait l’appeler l’âme individuelle ? Je prends conscience que ce qui constitue réellement l’individu c’est la goutte qui est l’Océan. S’il y a identité elle est très fine, légère, éphémère.

– En fait, elle peut prendre n’importe quelle identité. Les molécules se font et se défont au gré de l’Océan. Le centre de l’Océan est immuable, sa surface voit les mouvements s’opérer.

– Mon travail consiste donc à être une goutte-Océan.

– Tu as saisi.

Théophile l’Ancien
Extrait de Les Cahiers de Théophile
Essais