Théo. – Comment se fait-il que tu n’aies jamais eu peur de la mort ?

L’Ancien. – Je ne sais pas, c’est ainsi.

Théo. – Tu as sûrement dû y penser, pourtant ?

L’Ancien. – Pour moi, c’est un fait, tout comme l’existence de Dieu. J’y crois. Je n’ai aucun mérite. C’est comme si tu me demandais: « Est -que tu crois en l’oxygène ? »

Théo. – C’est la foi, alors ?

L’Ancien. – Même pas, c’est une évidence, un fait.

Théo. – Dans ce cas pourquoi as-tu recherché le Divin ? Quelle est cette quête de Dieu qui a dirigé toute ta vie ?

L’Ancien. – Aujourd’hui, je dirais plutôt que Dieu a fait la quête de lui-même et qu’il s’est retrouvé.

Théo. – C’est étrange, non ?

L’Ancien. – Oui, pour moi aussi, comment te l’expliquer ?
Dieu se cherche dans chacune de ses créatures et Il se retrouve inexorablement.

Théo. – Ce n’est pas exceptionnel alors ?

L’Ancien. – C’est un processus divin généralisé.

Théo. – Et que ressent sa créature quand Il s’est trouvé en elle ?

L’Ancien. – C’est comme l’explosion d’une super-nova, mais sans explosion. Seul demeure le Silence éternel, porteur de toute vie et de félicité.

Théo. – Est-ce le « Rien Tout » que tu évoques si souvent, le « zéro infini » ?

L’Ancien. – Les mots sont bien faibles pour décrire Cela. Essayons notre processus habituel si tu le veux bien.

Théo se met aussitôt en état de réception en fermant doucement les yeux. Tandis que sa respiration s’apaise et qu’il plonge dans la méditation, la voix sereine de l’Ancien le guide tranquillement :

Imagine cette explosion de joie de la super nova en toi … Silence.
Efface-la … Silence.
Il reste la simple Présence … Silence.
Efface la Présence et la douce félicité qui en émane … Silence.
Ce qui reste, c’est peut être ce que tu appelles « zéro infini » …
Efface-le aussi … Silence.

C’est la perception la plus sensible de Dieu, que peut avoir un être humain.

Après un moment de silence, Théo questionne :
– On peut effacer à l’infini comme cela ?

–Assurément, répond l’Ancien amusé.

Théo. – Revenons à la question de la mort. Comment as-tu réagi quand tu as été confronté directement à cette éventualité en 2007 ? L’annonce de ta maladie et l’éventualité de ta propre mort ont dû être un choc quand même ?

L’Ancien. – Crois- moi cela ne m’a rien fait. Quand mon ami médecin m’a annoncé le diagnostic, je me suis dit : « Tiens, tu ne verras peut être pas tes soixante ans. », mais en moi, tout était en parfait équilibre. Être ici ou de l’autre côté m’était égal. J’aimais être dans ce monde avec les miens, mais le monde lumineux était aussi « chez moi ». Tôt ou tard nous devons mourir, ce n’est pas une surprise. Alors il est préférable d’intégrer cette donnée et de vivre sa vie pleinement, en réalisant sa destinée.

Théo. – J’ai du mal à te comprendre !

L’Ancien. – Quand tu vis à partir de ton âme, de l’atman, la mort n’existe plus : tu envisages juste la fin d’un précieux véhicule que ton âme radieuse a emprunté pour un temps.

Théo. – N’as-tu pas d’attachement à la vie ?

L’Ancien. – Je l’aime beaucoup. Et le fait d’avoir dansé un temps avec la mort me la fait apprécier encore davantage. C’est un don de Dieu pour que l’homme réalise des choses fantastiques.

Théo. – Que se passe- t-il après, dans les autres dimensions ?

L’Ancien. – Tu le verras par toi-même en temps voulu.

L’Ancien se tait un long moment. Théo sait qu’il vaut mieux ne pas insister et décide d’aborder le sujet différemment :
– Comment dois-je faire pour ne pas avoir peur de la mort ?

L’Ancien. – Te connaître, distinguer ce qui appartient à l’éphémère, à la personnalité, pour ne pas t’y attacher ; t’identifier à ce qui appartient à ton éternité, qui est la réalité permanente de l’être.

Théo. – C’est ce qu’on appelle l’Ame ?

L’Ancien. – Tout à fait. Tu la visites régulièrement au cours de tes méditations dans les profondeurs du cœur. Il te suffit juste de retenir cette condition, de la ramener à la surface de ton être et de vivre intensément ton quotidien.

Théo. – Mais alors pourquoi tout le monde a-t-il peur de la mort ?

L’Ancien. – La peur de la mort est naturelle. Elle est liée à l’instinct de survie qui fait partie du programme implanté chez tous les mammifères. Il en est de même avec l’instinct de protection pour les petits, qui sont fragiles et constituent des proies faciles pour leurs prédateurs.

Théo. – Tu veux dire que ce sont les lois de Prakriti (la Nature) qui sont la cause de cette peur ? La nature nous a compliqué la vie, alors !

L’Ancien. – Uniquement celle des êtres humains, car ce n’est pas le cas pour le monde animal. Prends l’exemple des gazelles, elles ne sont en vigilance que lorsque le lion est en chasse. Là, il y a danger de mort et la peur va leur commander le mouvement et la fuite pour sauver leur vie. Le reste du temps, elles peuvent brouter tranquillement à quelques mètres de leur prédateur. Elles savent. L’animal vit pleinement sa vie, dans l’instant. L’homme, lui, reste souvent piégé dans son passé, se projetant sans cesse dans le futur.

Théo. – Il en oublie le présent. C’est pour cela que nous méditons, afin de vivre pleinement dans le présent ?

L’Ancien. – Le présent éternel qui donne accès à l’infini intérieur et à l’amour sublime.

Théo. – Pourrait-on dire alors que l’homme s’est perverti ?

L’Ancien. – On peut plutôt le voir autrement ; disons qu’il est doté d’une conscience. L’être primitif développe en premier la conscience de lui-même pour répondre à ses besoins fondamentaux. Ensuite, il devient capable de conceptualiser la vie, sa vie. Il a donc conscience de ses capacités, ce qui le mènera tôt ou souvent tard, à une conscience supérieure.

Théo. – Il est aussi le premier prédateur sur terre !

L’Ancien. – Le problème n’est pas qu’il soit un prédateur, mais qu’il rompe l’équilibre et l’harmonie de la Nature. L’humain n’est ni en phase avec la Nature, ni avec sa propre nature.

Théo. – Quelles en sont les conséquences ?

L’Ancien. – La destruction et le malheur pour lui et autour de lui.

Théo. – D’où la nécessité de l’écologie.

L’Ancien. – C’est un premier pas, mais nous devrions surtout développer l’écologie intérieure et accéder à un plus haut niveau de conscience.

Théo. – Les animistes, les chamanes sont en harmonie avec la Nature. Quand ils prennent la vie à un animal, ils le font comme un sacrifice et remercient l’animal sacrifié pour le don de sa vie. Ils ne tuent que pour se nourrir.

L’Ancien. – Les hommes ont beaucoup oublié. Dans leur égocentrisme forcené, ils se sont coupés des forces supérieures de la Nature, mais aussi des forces élémentales.

Théo. – Tu parles des devas, des elfes et autres esprits de la Nature ?

L’Ancien. – Surtout des forces supérieures dites cosmiques qui guident cet univers. Je ne veux pas leur donner de noms.

Théo. – Tu pensent aux hiérarchies angéliques, celle des Maîtres, des Devas ?

L’Ancien. – C’est comme cela qu’on les appelle aussi.

Théo. – Mais alors pourquoi Dieu a-t-il créé un monde comme le nôtre ?

L’Ancien. – Dieu nous a créé un monde sur mesure, à notre mesure, et il nous a dotés du libre arbitre. Ce que tu vois c’est ce que nous avons fait de ce monde. Il peut être un paradis ou un enfer. Cela dépend de nous.

Théo. – Que manque-t-il à l’homme ?

L’Ancien. – La conscience du cœur ! Si dix pour cent, non, un pour cent de la population mondiale en était doté, la Terre serait radicalement changée.

Devant l’affirmation de son mentor, Théophile le Jeune reste pensif et silencieux :
– Il faut prier pour que l’humanité s’éveille et devienne enfin amour, murmure t-il tristement.

– Cela viendra. Dieu est infiniment patient, le rassure le vieux sage.

Théophile l’Ancien
Extrait de
Dialogues avec Théophile l’Ancien
L’initiation de Théophile le Jeune